Monsieur le Directeur,
Je viens de prendre connaissance du rapport de l’IRSEM qui vient d’être mis en ligne. Le Monde s’en était déjà fait l’écho la semaine dernière et j’avais essayé de vous joindre à ce sujet, mais sans succès malgré ma relance.
Je dois tout d’abord vous faire part de ma surprise sur le fait que l’Institut n’a pas essayé de contacter la Fondation pour discuter de vos allégations qui jettent le doute sur les activités d’une Fondation qui comprend dans son Conseil d’Administration, un représentant du Ministère de l’intérieur, le président du Conseil Départemental de la Vienne, le secrétaire général du CNRS, le Président de l’Académie de technologie pour ne citer que les représentants d’organismes publics, sans parler de la présidence exercée par un ancien Premier ministre, mandaté par le gouvernement pour les relations avec la Chine.
Il me semble que la démarche scientifique, que doit revêtir tout travail accompli par des universitaires ainsi que la courtoisie, auraient dû amener à nous contacter. Nous vous aurions volontiers accueillis et vous auriez eu une meilleure vision et une compréhension plus approfondie de ce que nous faisons.
Vous relevez que nos axes d’activités ont évolué depuis 35 ans.
Je ne sais si c’est un compliment pour notre capacité d’adaptation à un monde qui change ou un reproche de ne pas nous en tenir à des axes de travail remontant à 1989.
Nous nous intéressons aux grands changements qui affectent le monde et à leurs causes, sur le plan technologique comme géopolitique. L’ascension rapide de la Chine est incontestablement un de ces facteurs de mutation sur ces deux plans. Cela est d’ailleurs complémentaire sur ce que nous faisons sur les NTIC. Un ouvrage sur l’intelligence artificielle a été ainsi publié en 2020.
L’Europe et l’Afrique font également l’objet d’échanges de points de vue, de réflexion. Depuis sept ans, nous organisons ainsi deux journées sur l’Afrique, avons tenu un séminaire sur les questions de sécurité, de valorisation de matières premières, reçus des délégations de jeunes entrepreneurs africains…
Nous associons à ces échanges des personnalités venant de tous horizons géographiques, politiques ou professionnels.
Ambassadeur d’Australie en France, Secrétaire d’État indien aux Affaires étrangères, ancien Vice-Président de la Commission Européenne, ancien dirigeant de l’administration américaine du commerce, parlementaires et bien d’autres sont amenés à discuter dans nos conférences.
Vous relevez que le Forum 2021 sur les vertiges du monde, retrouver l’équilibre était en fait consacré à la Chine. La Chine ne pouvait être ignorée pour traiter d’un tel sujet mais nous avons traité également de la BCE et de la FED face aux risques inflationnistes, de la santé économique de l’Afrique, des inégalités en France, du multilatéralisme, etc.
Il est, par ailleurs, pour le moins curieux de relever que le Comité France-Chine (un des groupes pays du MEDEF) a été félicité pour le développement du commerce avec la Chine. Faudrait-il faire le contraire ? S’inscrire ainsi à l’encontre de la politique française (et mondiale) de promotion de nos exportations ?
Les citations que vous faites dans le rapport sont naturellement choisies à bon escient et ne visent qu’à prouver ce qui doit l’être. D’autres auraient dû l’ être également mais elles n’allaient pas dans le sens de votre démonstration.
Au-delà de la méthode contestable, peu différente de celle que nous condamnons certainement tous les deux, votre démonstration révèle un contresens majeur sur la signification de ce que nous faisons.
Il ne s’agit pas d’encenser la Chine, ni de maintenir une « équidistance » avec les États-Unis (nous avons les mêmes valeurs qu’avec nos alliés américains même si elles ont été malmenées ces dernières années par la présidence Trump) mais de faire prendre mieux conscience à la France et à l’Europe, qu’elles doivent réagir, faire preuve de plus de cohérence, de volonté politique pour défendre nos intérêts. Ils ne peuvent l’être dans un monde que se partageraient deux hyperpuissances. La Chine se révèle être une puissance majeure. Les Routes de la Soie en sont une manifestation. On ne peut l’ignorer.
Bien sûr et cela a été toujours clairement énoncé, il y a des sujets – comme les libertés – sur lesquels nous ne pouvons transiger, d’autres économiques – où l’intérêt de l’économie française doit être le guide- et enfin ceux, comme le climat, sur lesquels la coopération est de mise.
Face à ce monde dominé par les rapports de force, il faut s’affirmer, et cela ne passe pas par le refus de voir les choses, le déni du dialogue, la pratique de l’unilatéralisme. Pour cela, l’Europe est nécessaire et elle doit être forte. Le dialogue suppose respect, intelligence des situations et des motivations.
C’est ce à quoi nous croyons et, modestement nous essayons de contribuer par nos actions.
Les titres d’ouvrages publiés ces dernières années en témoignent : l’Europe entre les États-Unis et la Chine ; une Europe à hauteur de Chine ; l’Europe, un atout à jouer.
Je regrette que l’occasion ne nous ait pas été donnée d’en débattre, surtout avec un Institut de recherche qui relève du Ministère de la Défense, arbore le logo de la République.
Il appartient naturellement à Jean-Pierre Raffarin de voir ce qu’il compte faire en réaction à un rapport qui nous présente, en quelque sorte, comme un porte-voix du Parti Communiste Chinois, ce qui est outrageant et infondé.
Recevez l’expression de mes sentiments distingués
Serge DEGALLAIX
Directeur Général
Fondation Prospective et Innovation