Le contraste entre La Chine et les États Unis est, cet automne, particulièrement criant. Le XIXe congrès du PCC s’est déroulé de manière très prévisible alors que jour après jour Donald Trump s’affiche de plus en plus imprévisible. Zhongnanhai, le lieu du pouvoir chinois, est plus « lisible » que la Maison Blanche.
« La gouvernance de La Chine »
L’essentiel de la partition exécutée à Pekin, au grand rendez-vous du Parti Communiste Chinois (PCC) était écrit, noir sur blanc, dans le livre de Xi Jinping publié dans le monde entier en 2015 : « La gouvernance de la Chine ». Deja on pouvait lire: » le parti se charge de la difficile tâche historique d’unir et de diriger le peuple ». L’ancrage « socialiste » était clair.
La pensée du leader reconnue par les 2287 délégués comme élément de l’idéologie nationale, « l’ère nouvelle » (36 fois citée dans le discours de Pekin), y est pour l’essentiel décrite avec précision : le rêve chinois, le rôle dominant du Parti, le socialisme aux caractéristiques chinoises, les objectifs du double centenaire, la gouvernance par la loi, la lutte contre la corruption (1,3 millions de fonctionnaires punis depuis le lancement de cette lutte), le contrôle de l’armée, l’économie ouverte et maîtrisée ( Xi ne manque pas de lucidité: « le problème principal est de gérer correctement les relations entre le Parti et le marché » )…tous ces thèmes ont été savamment rodés.
A l’occasion de ce congrès « historique » on a vu s’exprimer en Occident de nombreuses craintes et quelques réserves quant aux « perpectives brillantes de la renaissance chinoise ». De nouvelles inquiétudes sont apparues sur l’évolution du régime. On s’est beaucoup focalisé sur les intentions cachées de Xi Jinping notamment sur sa longévité au pouvoir. On s’intéresse moins au goût du long terme de la société chinoise, se fixant des objectifs à trente ans quand les démocraties se soumettent au court terme. Il y a beaucoup d’incertitudes quant à l’avenir chinois, cependant, une chose est certaine, la Chine est l’un des pays les plus prévisibles au monde.
Trois informations essentielles ont été formulées au XIXe congrès: La Chine restera socialiste, l’économie chinoise aura pour moteur l’innovation et le leadership chinois pèsera pour la coopération internationale.
La Chine restera socialiste
Ceux qui voyaient la Chine évoluer à l’occidentale se sont trompés. La Chine est et restera socialiste avec une idéologie dominante, un parti dirigeant le peuple, et un leadership renforcé du chef. « On ne peut absolument pas abandonner le marxisme-léniniste », ce thème est constant chez Xi Jinping. Le socialisme à la chinoise est placé sous l’impulsion du leader qui a défini l’idéologie, les grands objectifs et les échéances. Le Parti est l’administrateur du système. Il régule la société.
L’économie restera ouverte
L’économie chinoise assume son rôle de moteur mondial. A l’intérieur, le cap est mis sur l’innovation, une croissance plus qualitative, le contrôle des secteurs stratégiques et la coopération internationale à partir de ses initiatives. A l’extérieur les investissements de qualité sont privilégiés,pour cela les sorties de capitaux sont contrôlées. « L’économie chinoise ne va pas fermer ses portes au monde mais au contraire s’ouvrir davantage », c’est la priorité donnée à l’innovation, à la recherche er a l’intelligence ajoutée qui favorise cette ouverture. Ce message a été répété à plusieurs reprises par le Président Xi. L’ambition chinoise n’est pas aujourd’hui la suprématie mais la reconnaissance de son rôle et progressivement de son leadership.
De l’émergence au leadership
La diplomatie chinoise elle aussi vise le premier rang dans ses domaines prioritaires: le multilateralisme et le soutien aux organisations internationales, la coopération à l’intérieur du grand projet des routes de la soie, l’internationalisation de sa monnaie et les partenariats dans les Pays tiers. La « Belt and Road Initiative » donnera à l’Eurasie la place centrale. Xi Jinping s’est donné les moyens , au cours de ce XIXe congrès mais aussi par son action internationale, d’incarner le leadership chinois. Avec lui la Chine passe progressivement de l’émergence au leadership.
Quelles leçons à tirer pour l’Europe?
Pour l’Europe le dialogue stratégique avec la Chine est incontournable. L’économie et la politique se rejoignent pour l’imposer.
-Pour une stratégie partagée quant aux investissements,
-pour un commerce mieux équilibré,
-pour un engagement plus déterminé dans le projet des routes de la soie,
-pour une meilleure réciprocité des politiques publiques,
-pour la recherche d’une politique commune de coopération internationale,
l’Europe doit être plus réactive, moins frileuse et plus confiante dans ses propres forces
La Paix
Au total contrairement à « l’hyperpuissance américaine » le « leadership chinois » joue le long terme ce qui lui évite les chemins de la brutalité. La conscience du temps adoucit les méthodes.. À la chinoise le leadership est d’abord stratégique. La force du chef est d’incarner une stratégie. En échos anticipé, Edgar Morin disait « quant l’immédiat dévore, l’esprit dérive ».
Dans notre monde si dangereux, peut être en « dérive », la guerre menace le rêve. Dans ce contexte, la grande promesse du leadership à la chinoise, c’est l’équilibre, l’harmonie, c’est à dire pour nous, La Paix.
Jean-Pierre Raffarin
Quelques notes sur le Congrès
Le Congrès est le grand rendez-vous politique de la Chine. Organisé tous les cinq ans, il a pour mission principale de renouveler les instances dirigeantes du parti, en l’occurrence le comité central du parti (205 membres), puis son nouveau bureau politique (25 membres) et son comité permanent (7 membres).
2280 délégués qui renouvèlent au Congrès le Comité Central, 205 membres et 171 suppléants. Les 2280 délégués sont élus par des structures provinciales et municipales et représentent les 89 millions de membres du PCC. Parmi les participants figurent des hauts fonctionnaires du gouvernement, des dirigeants du parti, des officiers de l’armée, ainsi que des membres du parti comme des employés, des agriculteurs, des techniciens, des infirmières et des enseignants. Le Comité Central renouvèle lui les 25 membres du Bureau Politique, puis son Comité Permanent de 7 membres, dont le Président et le Vice-Premier Ministre.
Le Congrès permet un nouveau cycle de désignation des équipes dirigeantes qui favorise un renouvellement générationnel important au sein des instances collégiales du parti. Le Parti cherche ainsi à institutionnaliser ses procédures de sélection et à gagner en représentativité afin d’éviter l’affaiblissement de sa légitimité.
Les fonctions du congrès national sont multiples, comme vérifier les rapports du Comité central, discuter et décider des problèmes importants du parti ou encore élire le Comité central. Le Congrès permet également d’élaborer le cadre politique du quinquennat à venir. Il permet de faire un bilan du quinquennat écoulé et de donner une feuille de route pour les prochaines années autour d’une nouvelle équipe dirigeante.
Etapes et protocole
Le XIXe congrès s’ouvrira sur le rapport d’activité du comité central sortant. Lu par Xi Jinping, il dresse un bilan des grandes étapes du mandat écoulé.
Lors des quatre congrès précédents, on relève la prévalence de trois règles pour la sélection des futurs membres du comité permanent : la limite d’âge (68 ans pour les entrants) ; le passage préalable par le bureau politique, sauf éventuellement pour les deux successeurs désignés du président et du premier ministre ; et, enfin, l’ancienneté. Le Congrès renouvèle ses délégués et élit le Comité central. C’est ensuite que les nominations essentielles ont lieu, avec la désignation du bureau et du comité permanent.