Allons-y sans ambages, les résultats de la COP 29 ne sont pas bons.
Dès l’ouverture de la conférence, les choses se présentaient médiocrement. A l’assistance, réduite au minimum, des chefs d’État ou de gouvernement des principaux pays de la planète – ni Joe Biden, ni Xi Jinping, ni Narendra Modi, ni Vladimir Poutine, ni Emmanuel Macron, ni Olaf Scholz, ni Ursula von der Leyen – s’est ajoutée la défection de la plupart des chefs des grandes entreprises multinationales. Les mots d’introduction du président Aliyev, saluant les hydrocarbures fossiles comme « un don de Dieu » dans cette enceinte vouée à leur mise à l’écart, a paru faire écho à ceux de Donald Trump qui avait qualifié de « canular » le réchauffement climatique. Elles ont en tout cas jeté un froid sur ceux des participants qui entendaient s’engager sérieusement sur la réussite des objectifs de la conférence.
Car les négociations climatiques sont une chose sérieuse. La température moyenne du globe ne cesse d’augmenter et a même dépassé cette année le niveau fatidique de 1,5° C supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle, celui-là même qui avait été retenu par l’Accord de Paris comme un seuil à ne pas dépasser, si possible. Comme le dérèglement du climat concerne toute la population mondiale, les conférences annuelles qui s’y rapportent sont, en ces temps de discorde, l’un des derniers endroits où l’humanité dans son ensemble peut marquer sa solidarité. Et c’est précisément ce qui a manqué à la COP 29 à Bakou.
Le grand sujet de discussion se concentrait sur la fixation d’un montant de transferts de capitaux du Nord vers le Sud souhaitable pour assurer le bon financement de la transition climatique. La conférence de Paris, en 2015, avait fixé cet objectif à 100 milliards de dollars pour une durée de dix ans. Avant l’expiration de ce délai, il fallait donc le mettre à jour avant la fin de l’année sur la base d’une estimation des besoins à l’horizon 2035 qu’un groupe d’experts des Nations Unies avait estimé à 1000 milliards de dollars. Après de longues négociations menées dans le cadre de la préparation de la conférence, le Sud avait rabattu de ses exigences mais estimait néanmoins indispensable un transfert annuel compris entre 500 et 600 milliards de dollars a minima. Telle était la situation à l’ouverture de la COP. Lorsqu’elle s’est conclue le 24 novembre, la somme lâchée par le Nord ne se montait plus qu’à 300 milliards de dollars à la grande frustration des pays du Sud. Ceux-ci, dont les moins avancés et les insulaires en particulier, déjà échaudés par le retard de deux ans avec lequel le précédent objectif de 100 milliards avait été atteint, ont immédiatement contesté l’accord enregistré à l’arraché par la présidence.
Il y a bien eu, à Bakou, un autre accord non négligeable – qui était en attente de finalisation depuis neuf ans – sur la mise en œuvre de l’Article 6 de l’Accord de Paris, relatif à la régulation des marchés du carbone. Dont acte. Mais l’ambiance de forte tension qui a marqué la COP 29 s’est traduite par un recul sur un autre point majeur, la sortie des énergies fossiles. Reconnaître cette urgente nécessité était l’un des acquis de la précédente COP, celle de Dubaï. Afin de le consolider, l’Union Européenne avait demandé à l’Azerbaïdjan qu’en contrepartie des aides financières, on prévoit la mise en place d’un mécanisme de surveillance des progrès de cette sortie. Mais, profondément choqués par la modicité des aides, les pays du Sud ont refusé que le point soit même mentionné. Beaucoup d’entre eux en effet restent très dépendants de ces énergies et les efforts pour s’en affranchir vont leur coûter très cher : il n’est que de penser à des pays comme l’Inde, la Colombie ou le Nigéria. Ce qu’ils ont perçu comme la ladrerie du Nord et au-delà, comme une rupture de l’indispensable solidarité de tous les pays face à une menace planétaire, a donc déjà commencé à fragiliser le consensus qui se construisait progressivement en prévision de la prochaine COP, celle du 10ème anniversaire de l’Accord de Paris.
La COP qui vient de se tenir était en effet considérée comme une « COP de réserve », préparatoire au grand événement de la COP 30, l’année prochaine au Brésil. Celle qui doit revoir les contributions que chacun des 196 Etats participants s’engageront à apporter pour contenir la menace climatique. Dans l’ambiance qui commence à s’installer, on peut craindre que les engagements qui seront pris ne soient en retrait par rapport à ceux de 2015.
A la fin de l’année prochaine, Donald Trump sera en fonction depuis près d’un an. Il aura pu donner suite aux intentions qu’on lui connaît : retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris et mettre en pratique les encouragements qu’il ne cesse de prodiguer à multiplier les forages sur le territoire américain et interrompre la poursuite des programmes d’éolien off-shore sur ses côtes… Bref, donner un peu plus de corps au risque de fractionnement de la communauté climatique internationale.
Dans le même temps, à bas bruit, la Chine continue de creuser son sillon. En 2020, Xi Jinping lui a fixé deux objectifs : doubler le cap du pic d’émission de gaz à effet de serre avant 2030 et atteindre la neutralité carbone complète avant 2060. Avec six ans d’avance, Pékin a d’ores et déjà atteint son but de disposer de 1200 gigawatts de capacités installées en énergie solaire et éolienne. Celui que les véhicules électriques représentent la moitié des ventes de voitures d’ici 2035 est en passe d’être atteint dès l’année prochaine. Au total, il n’est pas impossible que l’économie chinoise arrive à fonctionner cette année en émettant moins de gaz à effet de serre que l’année dernière et entame sa descente vers la neutralité carbone. Si c’est bien le cas, le premier objectif de Xi Jinping sera rempli avec sept ans d’avance.
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Aux yeux du « Sud global » (et pas seulement), le contraste entre les deux principaux pollueurs de la planète ne peut manquer de donner à penser.
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