Date de la conférence : 13 janvier 2021
Intervenants
L’empreinte chinoise en Afrique a contribué à l’insertion du continent dans la mondialisation et les chaînes de valeur internationales. En effet, ces dernières années les transactions commerciales entre la Chine et l’Afrique ont connu une progression considérable et sont indéniablement amenées à s’intensifier dans les années à venir. Cette coopération n’a pas remis en question les affinités économiques entre l’Afrique et ses partenaires traditionnels européens, mais a fait l’objet de nombreux scepticismes.
S’il convient de consolider l’axe Afrique – Europe/France, en y incluant la Chine, l’enjeu de cette collaboration tripartite réside toujours dans la recherche de complémentarités dans le respect des intérêts respectifs.
Le webinaire du 13 janvier 2021 sur la thématique « Un partenariat Chine-France pour l’Afrique ? » a marqué la clôture du cycle de réflexion 2020 de la Fondation Prospective et Innovation sur la relation triangulaire « Afrique – Europe/France – Chine » (cliquer ici pour (re)voir le webinaire). Tout au long de l’année, la FPI a reçu dans le cadre de petits-déjeuners et visio-conférences des personnalités aux horizons professionnels et géographiques divers et variés, dont les visions ont permis d’alimenter et nourrir ce cycle de réflexion (Ambassadeurs, économistes, hommes d’affaires, universitaires…).
Aux côtés de Jean-Pierre RAFFARIN, Ancien Premier ministre et Président de la Fondation Prospective et Innovation, Lionel ZINSOU, Ancien Premier ministre du Bénin, Fondateur de SouthBridge Group, SUN Jiwen, Ambassadeur de Chine en Afrique et Étienne GIROS, Président-Délégué du Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN) nous ont partagé avec lucidité leurs réflexions sur cette thématique. De ces fructueux échanges quelques points en sont ressortis :
Le multilatéralisme d’hier n’est pas celui de demain
De manière générale, lorsqu’est évoquée la présence économique chinoise sur le continent, les avis et opinions du grand public basculent entre deux tendances : certains considèrent cette présence comme une opportunité, des potentialités à saisir tandis que d’autres sont plus sceptiques voir alarmistes. Cependant, il convient de se détacher des idées recyclées, faire preuve de lucidité pour privilégier une nouvelle approche et donner une nouvelle impulsion à ce multilatéralisme.
Les intervenants l’ont rappelé : il y a une pérennisation des coopérations avec les partenaires traditionnels de l’Afrique mais ces dernières années sont marquées par une diversification des collaborations et une ouverture des partenariats aux pays émergents. Ce constat a montré ses effets positifs et a indéniablement contribué à la croissance du continent (en témoigne les 5% de croissance du PIB ces dernières années).
De la même manière, la coopération Afrique – Europe/France – Chine a fait l’objet de projets trilatéraux fructueux ; on pense notamment à la collaboration de ZTE, Huawei et Orange dans le domaine des télécommunications ou encore au partenariat entre le groupe Bolloré et Alibaba. Ces succès alimentent incontestablement l’attente africaine en matière de coopération.
Ce multilatéralisme en mouvance stimule également au sein même du continent une dynamique transfrontalière des coopérations. L’Afrique de l’Est s’intéresse à l’Ouest, le Nord au Sud etc. Ce phénomène est particulièrement marquant dans les domaines des capitaux, des assurances, des télécoms ou encore de la digitalisation.
Traitement de la dette africaine, une relance de coopération entre l’Afrique, l’Europe et la Chine
La crise sanitaire de la COVID-19 a ravivé les questions du traitement de la dette africaine, jusqu’alors relativement peu abordées. On estime à un tiers le montant de la dette du continent à l’égard de la Chine ; un tiers qui suscite cependant de vives interrogations relayées par les médias (manque de transparence, prises de garantie d’actifs, conditions de prêts douteuses…).
En matière de restructuration de la dette, la Chine a pour habitude de traiter au cas par cas, bilatéralement avec chaque créancier. Néanmoins, en fin d’année 2020 elle s’est montrée favorable à un moratoire sur la dette jusqu’en juin 2021 pour les pays les plus pauvres. La Chine s’est également dite prête à s’aligner sur les modalités d’allègement du G20 et à se conformer aux procédures en question.
Par cette volonté de traitement similaire de la dette, la Chine a affiché son souhait de collaborer avec ses partenaires occidentaux et africains. Un regain de coopération particulièrement appréciée et appréciable de tous.
Le secteur privé : talon d’Achille de la coopération tripartite
Le secteur privé dispose d’une marge de manœuvre non négligeable que parfois les gouvernements n’ont pas. En ce sens les entreprises internationales chinoises, africaines et européennes jouent un rôle déterminant.
De manière générale en Afrique, la Chine a tendance à investir massivement dans les infrastructures, en témoignent les financements de la Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures (BAII) dans le cadre des Routes de la Soie. En revanche, elle est moins présente dans le capital des entreprises (bien que l’on note ces dernières années une montée du secteur privé chinois sur le continent). A l’inverse, l’Europe investit davantage dans le capital des entreprises bien plus que dans les infrastructures africaines.
Les intervenants se sont rejoints sur le point suivant : les startups, PME et ETI internationales vont indéniablement contribuer au rebond de la croissance africaine. Ce tissu d’entreprises de tous horizons sectoriels et géographiques est fondamental pour le continent, notamment dans sa capacité à créer des emplois et faire émerger une classe moyenne.
Cependant, sur le « terrain », la divergence en matière de gestion et de gouvernance est parfois source de conflits et freine les potentielles avancées communes. Finalement, l’enjeu de cette coopération réside avant tout dans la recherche de compatibilité et de complémentarité au sein même de ces différences…
Développer un climat favorable, stimuler le dialogue triangulé entre les entreprises pour renforcer les partenariats
La plupart des points conflictuels résident dans l’insertion des entreprises chinoises au sein du tissu économique local (distorsions des pratiques, concurrences déloyales, questions de conformité sont régulièrement soulevées…).
La Chine ne faisant pas partie de l’OCDE, il est primordial que les États s’alignent sur une attitude, une éthique commune, pour, à terme s’accorder sur une standardisation des règles et des normes. Des mesures coercitives en matière de gouvernance, de propriété, de corruption, de RSE etc. élaborées par les dits acteurs encadreraient la cohabitation des entreprises chinoises et françaises en Afrique.
Enfin, il est essentiel d’établir une atmosphère plus positive, un fond de substrat humain qui parle la même langue, qui se comprend. L’aspiration commune doit être d’atténuer les défiances mutuelles et de renforcer un esprit de confiance, en vue d’exploiter les potentielles opportunités.
Cette ambition suscite nécessairement des prises d’initiatives. A ce propos, une plateforme entrepreneuriale d’échanges instaurant un cadre de concertation et de réflexions stratégiques permettrait aux entreprises d’échanger, de partager leurs expériences ou encore de confronter leurs projets. Le tout sous l’égide des gouvernements respectifs, d’un parrainage politique portant les voix africaines, françaises et chinoises mais en laissant aux entreprises l’autonomie d’action requise.
Replay de la conférence
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