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Forum de l’Economiste maghrébin 2022

Date de la conférence : 14 juin 2022

« La Tunisie face aux défis économiques des transitions écologique et énergétique »

 

A 140 jours de la COP 27 de Charm el-Cheikh, s’est tenue à Tunis la 23ème édition du Forum de l’Economiste maghrébin, réunissant responsables tunisiens et étrangers, privés comme publics, autour du thème « La Tunisie face aux défis économiques des transitions écologique et énergétique ». Partenaire de cet évènement, la Fondation Prospective et Innovation était présente avec son Directeur général Serge DEGALLAIX, ainsi que Jean-Hervé LORENZI, Fondateur du Cercle des Economistes et Président des Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence, Stéphane AVER, PDG d’Aaqius, et Alexandre BORDE, Président de Cibola Partners.

Ce Forum visait à faire le point de la transition écologique en Tunisie, plus généralement en Afrique et dans le reste du monde. L’accent a été mis sur le financement indispensable pour que les pays du Sud puissent effectuer leur transition, question de nécessité et de justice, sur les transferts de technologie et sur les nouvelles contraintes qui peuvent résulter de la taxation carbone aux frontières. Il faut s’y préparer mais tenir compte aussi des besoins de développement économique et social d’un pays comme la Tunisie.

 

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La Tunisie, victime des dérèglements climatiques

Bien que parmi les plus faibles émetteurs de CO2 de la planète, la Tunisie n’en demeure pas moins l’un des principaux pays touchés par les effets du dérèglement climatique : multiplication des sécheresses et des incendies, chute de la production agricole (prévisions à l’horizon 2100 d’une baisse d’1/3 de la production de céréales et de 70% de celle d’huile), épuisement des ressources naturelles et stress hydrique, etc. La balance énergétique et alimentaire du pays s’en trouve particulièrement grevée, et le conflit en Ukraine n’a fait qu’aggraver une situation de crise qui lui préexistait.

Face à l’absolue nécessité de contenir le réchauffement de la planète et ses effets plus directs sur le pays et ses habitants, la Tunisie a pris l’engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% à l’horizon 2030 (et ce par rapport à 2010). Cet objectif s’est doublé d’un second tout aussi ambitieux : celui de passer de 3% à 30% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique national d’ici la fin de la décennie. La feuille de route est donc prête, mais les moyens ne semblent pas suivre dans un contexte économique national difficile doublé d’une solidarité internationale peinant à voir le jour malgré les engagement pris à Copenhague en 2009 (les pays développés s’étant engagés à mobiliser 100 Mds$ par an pour financer la transition des pays en développement).

 

Des adaptations nécessaires mais difficiles

Le manque de moyens est d’autant plus préjudiciable que l’échelle des changements souhaitables ne se situe plus à celle des seuls comportements individuels. En effet, c’est le système productif lui-même qui doit désormais opérer sa « mue verte » : parmi les principales sources d’émissions du pays, les entreprises tunisiennes doivent aussi faire face à la volonté affichée par l’Europe de soumettre ses partenaires commerciaux à sa législation environnementale de plus en plus stricte. C’est notamment l’objectif poursuivi par la « taxe carbone aux frontières » qui frappera, à l’horizon 2025-2026, les importations européennes plus ou moins fortement en fonction de leur bilan carbone. Les entreprises tunisiennes seront directement concernées, en particulier celles du ciment et des engrais, et doivent dès maintenant se mettre à niveau si elles ne veulent pas subir de plein fouet ce nouveau droit de douane environnemental. Un verdissement qui sera coûteux à financer, et ce quand bien même la Tunisie est une faible émettrice de CO2.

 

De l’ambition à l’action

Impératif environnemental et exigence économique, la transition écologique n’est plus une option pour la Tunisie :  l’ambition doit désormais laisser place à l’action. Pourtant, force est de constater le retard accumulé par le pays dans ce domaine : c’est notamment le cas pour la production d’énergies renouvelables, et ce en dépit d’un potentiel immense en la matière (en particulier solaire). L’avance indéniable de la Tunisie il y a encore une décennie n’est plus vraie : entre 2010 et 2018, l’indépendance énergétique du pays est passée de 93% à 51%, le conflit en Ukraine aggravant encore un peu plus le déficit. Dès lors, il y a urgence à ce que l’Etat réagisse et impulse une politique ambitieuse spécialement dédiée à la transition écologique, en y consacrant les moyens et instruments adéquats. Sans quoi, foyers comme entreprises auront tôt ou tard à souffrir d’une énergie plus chère et plus rare, du fait de l’épuisement imminent des ressources fossiles. Une menace directe à la cohésion sociale et à la compétitivité nationale qu’il convient de prévenir dès maintenant.

Cette transition nécessité une volonté politique, mais aussi un financement fiable. Celui-ci a été estimé à 19 milliards de dollars, dont 5 seulement seront apportés par un Etat tunisien aujourd’hui largement endetté et peinant déjà à assurer les seules dépenses courantes. La question du financement extérieur se pose donc avec acuité, les montants espérés (14 milliards) étant colossaux et l’urgence à les mobiliser certaine.

Mais rien n’est perdu et tout reste à faire. Les opportunités offertes par cette transition sont immenses : l’innovation apparaît alors comme la clé d’une croissance à laquelle on ne renoncerait pas mais qu’on repenserait plutôt pour être plus vertueuse et plus verte. Ce sont des milliers d’emplois qui peuvent être créés dans de nouveaux secteurs et grâce à de nouvelles technologies.

 

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Une direction claire suivie d’actes, un financement à la hauteur et une innovation mobilisée : voici les trois leviers dont la Tunisie doit aujourd’hui se doter si elle souhaite réussir sa transition écologique. A charge désormais à l’Etat, aux entreprises et aux citoyens de rattraper le temps perdu en libérant les énergies créatrices et en impulsant les changements de long terme.

Par une série de rencontres et de publications, la Fondation Prospective et Innovation va suivre les pays de Sud dans leur préparation de la COP 27 de novembre prochain à Charm el-Cheikh.

 

CB

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