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On disait le G7 dépassé, club de nations dont le poids économique allait décroissant. Lorsque la crise des subprimes a éclaté, en 2008, il avait paru indispensable de lui ajouter un bon paquet de membres, venu pour la plupart des pays émergents : ce fut le G20, présenté comme beaucoup plus représentatif du monde globalisé et beaucoup plus pertinent pour gérer ensemble les grandes crises du moment, essentiellement économiques.

Quinze ans plus tard, le G7 est de retour, mais métamorphosé en « comité directeur du monde libre », selon les mots du conseiller à la sécurité de la Maison Blanche. Car avec la guerre en Ukraine et les tensions croissantes autour de la Chine, ce sont les sujets politiques qui reviennent en force au-dessus de la pile des questions à traiter et le G20, irrémédiablement en conflit contre lui-même, est devenu impropre à les gérer.

Simplement, l’objectif étant de rassembler autour de la cause le plus grand nombre de pays significatifs possibles, le Japon, hôte de la réunion, a tenu à inviter aussi un assortiment de participants intéressés par l’une ou l’autre – ou toutes à la fois – des grandes questions à l’ordre du jour : l’Australie, le Brésil, la Corée du Sud, l’Inde, les Îles Cook, l’Union Africaine et le Vietnam. A quoi s’est ajouté un invité surprise, Volodymyr Zelenski, venu en personne consolider ses soutiens occidentaux et rencontrer en direct deux membres clé du Sud, l’Indien Modi et le Brésilien Lula pour tâcher de les convaincre de cesser d’affecter la neutralité entre l’agresseur et l’agressé.

Afficher l’unité de ses membres est un thème obligé des réunions du G7. Sur l’affaire ukrainienne, le Sommet n’a pas eu de mal à remplir l’objectif. Il s’est déclaré déterminé à prendre des mesures concrètes de soutien à l’Ukraine, « aussi longtemps que nécessaire », pour lui permettre de faire face à l’agression russe. En illustration de cette résolution, Joe Biden a donné son feu vert au transfert d’avions de combat F16 au profit de Kiev de la part des alliés européens qui en disposent et a annoncé un nouveau programme d’aide militaire américaine de 375 millions de dollars. Autre intérêt majeur de la réunion, elle a donné au Président Ukrainien une plate-forme mondiale pour lui permettre de faire valoir, notamment à l’égard de Narendra Modi et de Lula da Silva, son programme pour la paix en soulignant que l’agression russe, violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies, constituait bien, si elle n’était pas combattue et repoussée, une menace contre le monde entier.

S’agissant de la Chine, le G7 a blâmé l’usage par Pékin de la « coercition économique », l’a exhortée à user de son influence pour pousser la Russie à retirer ses troupes d’Ukraine et a appelé à une « résolution pacifique » des tensions avec Taïwan. Le fait le plus marquant a été l’émergence d’un consensus sur l’objectif de « réduire les risques » liés à la poursuite des relations économiques avec la Chine. Le choix de cette expression, récemment forgée par Ursula von der Leyen, de préférence à celle de découplage couramment utilisée par Joe Biden, se veut significatif d’un adoucissement de la position américaine sur le sujet et d’une meilleure prise en compte des positions et intérêts des Européens dans la mise en place d’un cadre coordonné en la matière.

Obtenir le soutien des « pays du Sud » sur ces positions reste néanmoins un défi majeur pour le G7. Les liens économiques entre ces pays et la Russie et la Chine constituent un sérieux obstacle. Alors que la Chine distribue des milliards d’aides et d’investissements en Amérique latine, en Afrique et en Asie du Sud-Est, les appels du G7 à un dialogue renforcé risquent de n’être guère audibles. Les progrès très timides auquel est parvenu le Sommet sur les engagements climatiques des pays du Nord ne contribueront pas non plus à convaincre le « Sud global » de redoubler ses efforts. Il en va de même de ses appels – extrêmement généraux – à accélérer la réalisation des objectifs du développement durable, à renforcer le partenariat avec les pays africains ou à améliorer la sécurité alimentaire mondiale. Quant au succès de la stratégie du G7 visant à « réduire les risques » des liens avec la Chine, il dépendra également de l’existence d’une compréhension commune de ce que cela signifie précisément. La prochaine étape sera de définir et de s’entendre sur les détails. La désescalade des tensions avec la Chine ne sera pas simple non plus, surtout si des ambiguïtés subsistent.

Une approche unifiée des relations avec la Russie et la Chine par sept des principales puissances économiques mondiales est un pas dans la bonne direction. Mais pour élargir le consensus, le G7 devra accompagner ses paroles de plus d’argent et de plus de travail sur les détails. Le Sommet du G20 doit se tenir à New Delhi à l’automne prochain. Ce sera une bonne occasion d’apprécier ce qui reste de l’influence de « l’Occident global ».

 

 

Philippe COSTE
Ancien Ambassadeur

 

Pour aller plus loin :

Billet – Le Japon face à la dépendance chinoise : entre relocalisation et diversification des chaînes de valeur

Vidéo – LES RUPTURES ÉCONOMIQUES : LE SIÈCLE DE L’ASIE ? – Forum du Futuroscope 2022 (5/8)

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