Billet de Philippe COSTE, Ancien Ambassadeur
ENFIN L’ACCORD EUROPEEN !
Après deux semaines de controverses, les ministres des Finances de l’Eurogroupe sont finalement parvenus à s’entendre sur un compromis qui sera soumis aux chefs d’Etats et de gouvernements pour accord définitif.
Comme son nom l’indique, le compromis combine une percée et un point de blocage non résolu. La percée consiste dans un paquet de mesures à effet immédiat, pour un montant annoncé de 500 milliards d’€. Il comprend 1) la création, au sein du Mécanisme Européen de Stabilité, d’un instrument ad hoc « COVID 19 », doté au départ de 2,7 Mds d’€, destiné à subventionner les systèmes de santé des Etats membres qui en ont besoin ; 2) une augmentation des capacités de prêt de la Banque Européenne d’Investissement d’un montant de 200Mds d’€, orientés vers le financement des PME ; 3) un nouveau régime d’assurance chômage de 100 Mds d’€. En revanche, le différend persiste sur la manière de financer l’effort de reconstruction à plus long terme qui suivra la sortie de crise. Le principe de la création d’un fonds de relance, temporaire et ciblé, a bien été acté mais la question de son ampleur et du partage des coûts entre Etats membres reste ouverte.
En l’état néanmoins, l’accord du 9 avril est un grand soulagement. Au plan économique, il consolide l’initiative audacieuse prise par la Banque Centrale Européenne en mars dernier et éloigne la perspective d’une nouvelle rechute dans le marasme après celui qui a empoisonné le début de la précédente décennie. Si l’impasse avait persisté, c’était le risque d’une nouvelle crise de l’Euro, voire de la construction européenne dans son ensemble. Au plan politique, l’accord met un terme au débat délétère qui commençait d’empuantir l’atmosphère en Europe : les pays du nord accusant ceux du sud de laxisme, ceux-ci reprochant à ceux-là leur insensibilité et absence de solidarité.
Deux sortes de populisme menacent. Au sud, les Italiens, en particulier, considèrent que l’Europe les a systématiquement laissé tomber : une première fois lors de la précédente crise économique, puis lors de celle des réfugiés et maintenant, avec celle du corona virus. Deux tiers des habitants de la Botte voient désormais l’Europe comme un boulet, une contrainte et non un soutien : ils donnent des ailes aux partis europhobes. C’est le point de vue inverse aux Pays-Bas : la santé financière du pays venant, à n’en pas douter, des efforts de ses habitants, il ne saurait être question de les sacrifier davantage encore pour les paresseux du Midi. Et les partis d’extrême droite de prospérer sur cette lecture de la situation. Et ce qui est vrai des Pays-Bas l’est aussi de l’Allemagne, bien sûr. C’est cette querelle très malsaine que l’accord du 9 avril vient calmer.
L’accord doit beaucoup au rôle d’honnête courtier que les ministres français et allemand ont endossé entre leurs homologues néerlandais et italien. C’est une bonne chose que le couple historique de la construction européenne – dont les frictions ne sont plus un mystère – ait repris du service dans cette affaire aux enjeux, il est vrai, fondamentaux. C’est peut-être aussi le signe que Berlin, à l’occasion de la crise sanitaire, est en train d’assouplir sa rigidité traditionnelle. Les commentateurs n’avaient pas manqué de relever que, dans son allocution télévisée à ses concitoyens du mois dernier à propos du COVID 19, la chancelière n’avait à aucun moment prononcé le mot « Europe ». Elle s’est largement rattrapée le 6 avril en déclarant : « Nous allons montrer que nous sommes prêts à défendre et à renforcer notre Europe ». Acceptons-en l’heureuse augure !
Philipe COSTE