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BILLET DU JOUR : Le Droit et l’autre Monde

14 avril 2020

Billet de Jean-Charles SIMON, Avocat Associé, Gérant de Simon Associés

 

LE DROIT ET L’AUTRE MONDE

 

Nous sommes entrés dans un autre Monde, celui de la crise globale à l’échelle de la Planète, d’autant plus grave que son fait générateur n’a été anticipé par personne à ce niveau et que les dommages qui vont résulter de l’ennemi invisible ne sont pas encore vraiment mesurables.

Comme d’autres sujets, le Droit a montré ses limites.

Rapidement, et de manière si évidente que la Loi d’urgence du 23 Mars 2020, et les nombreuses ordonnances prises en application, ont dû adapter les textes.

Parce que la période que nous vivons doit être juridiquement protégée, le Gouvernement est désormais autorisé à prendre par ordonnance toute une série de mesures provisoires concernant le quotidien du secteur public et privé, des personnes morales et physiques.

Tous les domaines sont concernés, droit des contrats, sociétés, commercial, social et RH, contentieux, procédure, immobilier, public, données, fiscal, propriété intellectuelle, procédures collectives, concurrence, etc., et ce outre les mesures exceptionnelles concernant les échéances fiscales et sociales, les délais ou la vie publique.

Juristes d’entreprise et avocats sont devenus à leur niveau des urgentistes qui interviennent sur des sujets inhabituels liés aux difficultés économiques, aux opérations de cession/acquisition ou à la conclusion de contrats en cours, aux tenues des assemblées générales et des conseils d’administrations,  à la cybercriminalité, à la protection des données personnelles, etc. Ils sont aussi essentiels à la préservation des relations sociales et économiques, à l’existence d’une société de droit.

La question des droits fondamentaux est aussi posée avec le confinement, la fermeture des écoles, le dépistage, le contrôle des frontières dans certains pays, etc. ; en France, la réaction du Conseil d’Etat s’est voulue ferme, la priorité étant donnée aux actions de l’Etat dans le but d’enrayer la propagation du virus. Il ne peut être contesté la nécessité de mesures exceptionnelles pour combattre la pandémie qui détruit des vies humaines et menace la planète de déstabilisation.

La situation impose de s’interroger sur le monde d’après, l’autre monde. La menace d’une nouvelle pandémie va rester dans les esprits, le temps du retour à une situation de nouveau stabilisée va durer et, à n’en pas douter, bien des mesures provisoires d’aujourd’hui seront définitivement adoptées demain. Le télétravail, la visioconférence, la signature des actes à distance, ont déjà bouleversé des habitudes, remis en cause des acquis, et le Droit de demain s’appliquera désormais avec ces outils devenus ceux du quotidien. Ceux qui ne comprenaient pas les enjeux de la 5G sont certainement plus sensibilisés aujourd’hui.

Le Droit n’y échappera pas. Au plan national et international.

Au plan national, certains domaines du Droit vont se trouver très rapidement concernés car en relation directe avec les conséquences dommageables du virus.

Il s’agit par exemple du droit des contrats qui concerne indifféremment personnes physiques et morales. Les juristes sont aujourd’hui divisés sur l’application de la force majeure, de la révision pour imprévision, l’obligation de bonne foi et son prolongement, l’obligation de renégociation, l’exception de risque d’inexécution. Les obligations en matière de santé et de sécurité au travail vont certainement connaître des répercussions fortes.

Au plan international, la propagation de la pandémie a montré qu’un Etat isolé est incapable de faire face à une pandémie.

Il sera impératif de revoir, à minima concernant son application et son contrôle, le Règlement Sanitaire International (RSI) de 2005, seul instrument international juridiquement contraignant en matière de sécurité sanitaire. Peut être également le dispositif élaboré par la Commission européenne en 2014 permettant aux États membres d’acheter en commun et de façon anticipée (à des tarifs avantageux) tous les matériels de prévention, détection et protection. Il faudra certainement réfléchir à la mise en place de plans de prévention économique à l’échelle européenne. La leçon de 2008 n’avait manifestement pas suffi.

Plus généralement, il est possible que nous nous trouvions désormais confrontés à repenser notre pensée du droit.

Le droit est aujourd’hui l’expression d’une souveraineté populaire.

La pandémie laisse entrevoir aussi qu’il pourrait devenir l’expression d’une nouvelle forme de contrat social s’imposant par nécessité à tous.

 

Jean-Charles SIMON

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