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Billet d’Antoine FERAL, Directeur des Affaires européennes du Groupe Rolls-Royce
I NE PAS LACHER LE CAP : POUR UNE NOUVELLE STRATEGIE INDUSTRIELLE EUROPEENNE I
L’industrie en Europe, c’est 20% de l’économie, 35 millions d’emplois, 80% des exportations de biens. C’est dire son caractère vital et la légitimité d’une stratégie industrielle pour l’Europe. Quelques semaines avant le Covid-19, la Commission Européenne avait adopté une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, qui mentionnait déjà le principe de souveraineté et de localisation.
C’est une rupture. Jusqu’alors, l’UE n’avait pas de véritable politique industrielle, des actions, certes significatives, mais dispersées en faveur de la compétitivité européenne. Programme Cadre de Recherche et de Développement, programmes de politique régionale, accords commerciaux, politique de concurrence en étaient les principaux éléments…
Plus que jamais comme l’attestent les effets de la crise sanitaire et économique qui secoue le monde, l’Union Européenne a besoin d’une vision industrielle forte axée sur la transition climatique et numérique, pour conforter son marché intérieur, produire des normes au niveau mondial. Dans la ligne du Pacte Vert, la Commission entend adopter une approche plus stratégique pour les industries des énergies renouvelables afin d’en faire le socle de tous les vecteurs d’énergie.
Aux côtés de l’Alliance européenne des batteries, créée en octobre 2017, une nouvelle alliance sur l’hydrogène propre va voir le jour. Elle couvrira toute la chaîne : la production, la distribution, l’intégration des renouvelables à grande échelle, le transport… Un plan d’action sur les matières premières critiques est en préparation.
Cette politique industrielle déploiera tous ses effet grâce à une politique de recherche et d’innovation, menée en soutien à une quarantaine de Partenariats Publics-Privés déjà existants (pour le rail, le maritime, l’aéronautique…). Après sa communication, « façonner l’avenir numérique de l’Europe », il en va de même, pour la 5G, la protection des réseaux et des infrastructures numériques, le déploiement d’une stratégie des données.
Des avancées de l’UE en matière de défense ont pu être enregistrées ces quatre dernières années : recherche appliquée et appels à projets pour la coopération industrielle, bientôt un Fonds européen de défense, (la dotation budgétaire est à fixer). Couplées avec une politique spatiale forte et avec l’industrie civile, ces initiatives permettront des synergies nouvelles.
Toutes ces mutations ne seront pas possibles sans qualifications adaptées. Dans les dix prochaines années, un million d’emplois devraient concerner l’environnement, sept métiers sur dix relèveront, de près ou de loin, du numérique. Aussi, la Commission souhaite présenter un « Pacte européen des compétences » dès juillet. Plusieurs initiatives privées sont en train de voir le jour en Europe (Génération, AdvancingCities, EC2 network…) pour faire évoluer les systèmes d’enseignement supérieur et professionnel.
Après la notion de chaînes de valeurs, la nouvelle Commission semble privilégier maintenant le concept d’écosystèmes industriels, pour des secteurs clés. La Commission a identifié quatorze secteurs : tourisme, industries créatives et culturelles, textile, électronique, mobilité et automobile, aéronautique et défense, énergies intensives, énergies renouvelables, agri/alimentation, santé, digital, construction, commerce, proximité et économie sociale. Dans chacun de ces écosystèmes, les besoins seront identifiés et des réponses apportées : nouvelle législation, suppression d’une règlementation, nouveau programme de financement…
En complément des structures déjà en place, la Commission lancera en septembre prochain un nouveau Forum industriel associant tous les acteurs qui font l’Industrie européenne. Il s’agit de donner des orientations concrètes à la Commission et de définir d’éventuelles nouvelles alliances industrielles concernant, par exemple, les secteurs à faible intensité de carbone, les « nuages » et plateformes numériques.
Anticipée avant l’arrivée du coronavirus, cette nouvelle stratégie se veut ambitieuse et pragmatique. Elle doit être à la hauteur des enjeux d’un monde qui s’accélère une nouvelle fois et elle doit permettre à l’Europe de rester dans la course, dans le peloton de tête.
Antoine FERAL