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Billet de Jean-Pierre RAFFARIN, Président de la Fondation Prospective et Innovation
RECONSTRUIRE UN DIALOGUE USA-CHINE AUTOUR DE L’AFRIQUE
Il y a une grande différence entre la situation du SRAS au début des années 2000 et l’actuelle pandémie du Covid-19 : aujourd’hui, la tension sino-américaine est manifeste. En 2003, la concertation mondiale, sur ce sujet, se développait dans un climat positif de coopération, aujourd’hui la compétition commerciale, technologique et maintenant politique, entre les Etats-Unis et la Chine, domine la scène mondiale.
Tous les jours, les tweets du Président des États-Unis attaquent la Chine tandis que celle-ci, de son côté, accuse l’armée américaine d’avoir exporté le virus à l’occasion des jeux militaires de Wuhan, à l’automne dernier. Bill Gates a justement déclaré que l’heure est à la coopération plutôt qu’à la dénonciation hâtive. Dans ce contexte de tension, les Américains sont allés jusqu’à retirer leur contribution financière à l’OMS. Absents de l’UNESCO, en retrait à l’ONU, quel peut être aujourd’hui le sens d’un multilatéralisme sans les Etats-Unis ? De même que la gouvernance mondiale ne peut se passer de la Chine, le multilatéralisme, pour son avenir, a besoin de la présence de tous autour de la table.
Cette nécessité doit interpeler l’Europe dont le destin ne peut être celui de la balle de ping-pong dans le match Chine-USA.
Dans ce sens une proposition paraît pertinente : que l’Europe déploie sa diplomatie pour renouer le dialogue entre les Etats-Unis et la Chine sur une de ses priorités, l’urgence africaine. Dans la suite de la rencontre de mars dernier à Paris, entre Emmanuel Macron, Angel Merkel et Xi Jinping, cette ambition devrait être de nature à mobiliser le couple franco-allemand. De nombreuses ONG et des représentants des sociétés civiles marquent leur intérêt pour un tel projet, « Leaders pour la Paix » est engagée dans cette perspective.
L’Afrique va devoir affronter de manière consécutive ou simultanée trois défis brutaux : la crise sanitaire, la pandémie de la faim et l’intégration économique et sociale des jeunes. Un milliard de jeunes supplémentaires peupleront l’Afrique de 2050 ! Il y a l’urgence, mais aussi l’avenir. L’Union Africaine est mobilisée et travaille à l’émergence d’un projet africain pour l’Afrique. Les organisations multilatérales, l’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation (OAA), l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU (PAM) ont déclenché une alerte mondiale sur le sujet. La France et l’Europe achèvent leur projet d’initiative pour l’Afrique. C’est compliqué mais cela avance.
Mais, là encore, quel serait le sens d’une mobilisation internationale sans la Chine et l’Amérique. Ces puissances ont investi plus de cent milliards de dollars chacune, ces dernières années, sur le continent. La Chine représente à elle seule probablement plus du quart de la dette africaine. Son avis est donc nécessaire au programme de désendettement des pays africains et, au-delà, à son développement.
Cette reprise du dialogue sino-américain sur un sujet d’urgence serait très utile pour qu’un climat de détente permette de relancer la croissance mondiale avec les objectifs qualitatifs proposés par l’ONU.
Les difficultés majeures qui nous attendent n’épargneront personne, aucun pays ne pourra réussir seul, la coopération devra s’imposer. Pour les entreprises mondiales qui tirent en grande partie la croissance et l’innovation, la présence sur le marché chinois, au même titre que sur le marché américain, est un impératif. Bien sûr, chaque pays, après cette crise du Covid-19, définira le périmètre de sa souveraineté, mais au-delà de ces limites, la coopération pour une nouvelle croissance s’imposera.
L’intérêt de l’Europe n’est pas de diviser pour régner, mais d’unir pour réussir la Paix.
Jean-Pierre RAFFARIN