SI L’EURO N’ETAIT PAS LA…

 

Où en serions-nous donc ?

Où en serait l’Italie ? Elle était déjà en récession avant la crise sanitaire, avec trop peu de croissance depuis des années et une dette publique qui monte, égale à 140% de son PIB, avant le virus. Où en serait la France, avec un PIB en baisse de 0,1% au premier trimestre et une dette devenue égale à son PIB ? Et comment pourrait-elle s’endetter aujourd’hui à 10 ans à -0,1%, si elle ne bénéficiait pas de la force économique de la zone euro, deuxième PIB du monde ex-aequo avec la Chine ? Si elle ne bénéficiait pas de la crédibilité de la Banque centrale européenne qui lui achète 10 milliards d’euros de dette publique par mois, ni de son lien avec l’Allemagne ? Et l’Allemagne, avec ses marchés voisins en récession, déclenchant des dévaluations en cascade. Quant à l’euro, il a certes baissé depuis le début de l’année, mais de 3,5% seulement, un peu plus que le yen (-1,8%), mais moins que la Livre Sterling (-6,8%). Bien sûr, le dollar est considéré comme le lieu le plus sûr, même si les États-Unis sont devenus l’épicentre de la pandémie. Il est évidemment à souhaiter que ceci dure, puisque toutes les économies développées se tiennent, liées à la plus importante de toutes. Nous « tenons » grâce à l’euro, euro qui « tient » avec le dollar !

 

Comment les marchés financiers regardent-ils ce qui arrive à tous ?

Comme une épreuve de résistance, dans la durée. « Aplatissement de la courbe » est l’expression des épidémiologistes, ici aussi celle du Dr Fauci, l’expert américain qui pousse le Président Trump à reconnaître la réalité. Il admet maintenant le risque de 200 000 décès américains, soit 50 fois le chiffre actuel ! Nous ne sommes plus dans la « grippe » du début. Et les marchés financiers apprécient en fait ce réalisme, là-bas comme ici.

Qu’on trouve ceci horrible ou non, les marchés financiers regardent en effet la pandémie comme une valeur boursière qui monte, avec le nombre de cas et de décès, puis décélère, puis baisse. Telle est leur représentation de ce que nous vivons, avec des schémas voisins de ceux des épidémiologistes ! Donc, « aplatir la courbe » c’est se préparer à des confinements plus longs, donc à des pertes plus importantes, sauf qu’elles sont atténuées par les politiques monétaires à taux zéro et les soutiens budgétaires. Ces politiques et soutiens ne sont pas là, aux États-Unis et ici, pour éviter « seulement » le pire. « L’aplatissement » est la précondition du redémarrage. C’est cela, l’épreuve de résistance, ou de résilience si on veut : avoir les moyens d’endurer, pour remonter !

 

Et ici ?

Nous savons : nous avons les chiffres de cas, de décès, de guérisons, d’hospitalisations et connaissons la gravité du choc. Nous avons les chiffres des pertes de croissance, sans trop nous aventurer sur les déficits et sur le chômage : nous verrons. Nos politiques avancent, sous les critiques. Les entreprises font leur possible en télétravail ou pour produire les biens médicaux nécessaires. Et les pharmas et les start-ups redoublent d’efforts pour les tests, les médicaments, le vaccin. Va-t-on le reconnaître ? Et voici venir l’idée de les « punir », en leur interdisant de distribuer des dividendes ! Mais ce n’est pas une punition ! Les dividendes ne sont pas de l’argent en plus pour les actionnaires, mais un transfert d’argent, de l’entreprise vers eux. Pas de dividendes, c’est donc de l’argent qui restera dans les entreprises, pour « tenir » ! Quand les banques ne distribuent pas, c’est pour se renforcer aujourd’hui, sous la tempête, et pouvoir distribuer plus demain ! Quand l’admettrons-nous ? Entreprises, salariés, politiques font leur possible, pour résister.

Surtout, grâce à cela, il sera plus facile de repartir, après avoir « aplati la courbe ». Alors, il faudra plus de solidarité encore au sein de chaque pays et entre eux, dans la zone euro. Ce sont des politiques monétaires plus accommodantes, budgétaires plus amples, monétaires et budgétaires plus courageuses, dans la zone, pour lancer des Eurobonds-Santé, solidaires entre membres. Et pourquoi pas pour aider à financer le chômage partiel. Il ne s’agit pas, comme on l’entend souvent, d’être « prêt à aider un pays en grave difficulté financière », l’Italie, au hasard, mais de l’aider avant ! On croyait que le virus avait appris qu’il valait mieux prévenir qu’essayer de guérir !

 

La zone euro et l’euro nous ont évité le pire de l’effondrement, il faut aujourd’hui permettre de se relever. Là encore, ils sont indispensables, mais doivent se presser en s’unissant plus.

 

Jean-Paul BETBEZE
Président-Fondateur de Betbeze Conseil SAS