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La démographie de l’Afrique subsaharienne au XXIème siècle

Date de la brève : 16 avril 2021

« La démographie de l’Afrique subsaharienne au XXIème siècle. Bilan des changements de 2000 à 2020, perspectives et défis d’ici 2050 » Dominique TABUTIN, Bruno SCHOUMAKER, Revue « Population », INED 2020-2 et 3

 

Télécharger ici la brève d’informations « La démographie de l’Afrique subsaharienne au XXIème siècle » 

Crée en 1946, la revue « Population » de l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques) fait autorité en matière d’études démographiques. Elle s’attache d’abord à suivre la situation démographique en France mais, depuis une quinzaine d’année, elle a élargi son champ d’expertise à l’ensemble de la planète.

L’Afrique subsaharienne a été chronologiquement la première à être étudiée (2004), avant l’Asie, les Amériques et l’Europe. Elle est la région au monde la plus dynamique en termes de croissance démographique et il est naturel que l’INED y consacre une seconde monographie. Parue en 2020, elle est un bilan des changements de ces 20 dernières années et une projection des 30 ans à venir.

Si la démographie n’est pas une science exacte quand il s’agit de projections lointaines, elle est cependant caractérisée par des tendances lourdes à court et à moyen termes qui permettent de mesurer les défis à relever et de réfléchir sur la manière de le faire, ou pas.

Une présentation, assortie de quelques commentaires, est faite ci-après. Elle montre l’ampleur des progrès à accomplir en termes d’infrastructures sociales et éducatives comme d’emplois formels à créer, à rebours de ce qui s’est passé ces dernières années. Le « dividende démographique », souvent évoqué, ne pourra être « détaché » que si la croissance et un développement équilibré sont au rendez-vous. L’étude très fouillée de l’INED témoigne aussi de la diversité de l’Afrique et d’une transition démographique résolument engagée dans un certain nombre de pays subsahariens. Pour les autres, l’évolution est en cours mais à un rythme lent.

La croissance démographique[1] africaine, avec une moyenne de 2,7 % par an, est la plus forte au monde. En 20 ans, la population africaine a augmenté de 60 %, le reste du monde de 20 %.

Selon les Nations-Unis, la population va doubler d’ici 2050 et, peut-être, tripler d’ici 2100. Bien sûr, même pour la croissance démographique, dont les facteurs déterminants évoluent lentement, les projections restent frappées d’incertitudes. En 1972, le Club de Rome[2], prévoyait une population mondiale de 8 milliards en 2010, alors que dans les faits, elle a été de 6,8 milliards. Les chiffres peuvent être révisés à la baisse, mais aussi à la hausse.

Comme toujours en Afrique, les généralités, les moyennes sont trompeuses car elles cachent des différences notables par pays, par groupes sociaux et par habitats.

Depuis 1985, le taux de croissance démographique s’est stabilisé à 2,6/2,7 %. La réduction de la fécondité et une baisse de la mortalité sont les raisons de ce plateau.

La transition démographique s’amorce mais n’est pas encore véritablement engagée à l’échelle du continent, tant la diversité géographique est grande avec des pays comme :

  • Ceux du Sahel, de l’Afrique centrale et de l’Est (Ouganda, Somalie, Soudan du Sud) où la natalité reste forte ;
  • Le Sénégal, le Gabon, et le Ghana où la natalité recule ;
  • Ceux en transition avancée ou accélérée : Rwanda, Botswana, Éthiopie, Kenya, Cap-Vert, Maurice, Seychelles, Afrique du Sud

Un « dividende démographique » est annoncé par certains experts. Il résulte de la baisse de la natalité et de la mortalité qui permettrait à la pyramide des âges de se modifier avec davantage d’actifs (15-65 ans) par rapport aux inactifs (jeunes et personnes âgées).

Cela n’est pas encore acquis et, en tout cas, pas à l’échelle continentale.

Dans certaines régions, la natalité ne baisse guère et les conditions pour qu’arrivent sur le marché de l’emploi des jeunes formés, prêts à être accueillis par un secteur formel suffisamment large, sont loin d’être remplies.

Ces tendances démographiques conduisent à l’arrivée sur le marché du travail d’un grand nombre de jeunes : plus de 20 millions par an actuellement, 30 millions en 2030, 35 millions en 2050, selon certaines estimations hautes mais qui apparaissent fiables car les entrants annoncés sont déjà nés ou le seront immanquablement. Dans son rapport de 2019, l’OIT annonçait que le taux de chômage de l’Afrique subsaharienne avoisinait les 8 %, ce qui est relativement faible, mais beaucoup d’emplois sont précaires, peu productifs et peuvent relever du chômage déguisé.

Le tissu économique est aujourd’hui dominé à 90 % par l’emploi informel dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Sénégal. La moyenne continentale est de 75 % et le taux bien moindre en Ethiopie ou en Afrique du Sud (35 %).

Une certaine désindustrialisation de l’Afrique, la multiplication des petits emplois, l’absence d’une modernisation suffisante de l’agriculture aboutissent à une dégradation de la productivité qui, selon la Banque Mondiale, ces dix dernières années, a été réduite de près de 60 % dans l’ensemble des secteurs agricoles, industriels et des services.

Les migrations en dehors du continent concernent surtout les personnes instruites. Plus le diplôme est élevé, plus le désir de partir se manifeste. Le développement conduit plus à la « fuite des cerveaux » qu’au désir de « rester au pays ». Les retours sont bien inférieurs aux départs.

On peut donc constater que les enjeux sont considérables, tant en termes quantitatifs, que qualitatifs et que s’impose la nécessité d’aller à rebours des tendances de ces vingt dernières années : il faut des emplois formels, améliorer la productivité, s’insérer dans les circuits économiques régionaux et internationaux.

Cela passe par un bon équilibre entre des réformes et des appuis au tissu productif, à côté des soutiens aux secteurs sociaux, éducatifs et environnementaux. C’est avant tout la responsabilité des sociétés et gouvernements africains en place mais aussi de leurs partenaires qui doivent bien calibrer leurs efforts entre secteurs productifs et domaines sociaux. L’étude de l’INED montre bien la corrélation entre démographie, éducation, performances économiques, niveau de vie.

SD

[1] Population, INED, 2020

[2] Halte à la croissance, Rapport du Club de Rome, 1972

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