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Les énergies renouvelables depuis 2012 : un développement encourageant mais encore insuffisant

Date de la brève : 29 juin 2022

Plus que jamais, la lutte contre le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs implique une transition écologique à la hauteur. Or, la réussite de celle-ci est directement corrélée à notre capacité à sortir des énergies fossiles et à développer les énergies renouvelables afin de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Depuis plus d’une dizaine d’années, ce constat partagé conduit les États développés comme en développement à prendre des engagements forts sur le sujet. Mais les effets d’annonce se traduisent-ils concrètement dans les faits ?

A cet égard, un éclairage intéressant peut être apporté par le rapport que l’IRENA (International Renewable Energy Agency) a récemment publié sur la capacité de production d’énergies renouvelables pour la décennie 2012-2021[1]. Il dresse un tableau particulièrement détaillé, par pays et par année, de la capacité de production maximale des centrales électriques et autres installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables. Pour la plupart des pays, cette capacité de production représente la capacité effectivement installée et connectée à la fin de l’année civile. Il convient de noter que le rapport repose en grande partie sur des statistiques officielles et les déclarations des États concernés, ce qui peut aboutir à certaines anomalies. Cette étude n’en demeure pas moins intéressante à analyser pour la comparaison dans le temps et dans l’espace qu’elle permet.

Trois enseignements sont à tirer de ce rapport.

Au niveau mondial, le rythme de croissance de la capacité de production d’énergies renouvelables est encourageant sur la décennie 2012-2021, et traduit les efforts déployés pour développer le solaire et l’éolien.

Parmi les trois grands pollueurs de la planète, la Chine est le pays qui voit sa capacité de production renouvelable augmenter dans les proportions les plus importantes, la classant devant l’Europe et les Etats-Unis en termes de stocks.

Quant à l’Afrique, malgré des potentialités immenses, le défi des énergies renouvelables reste encore à relever.

 

Une croissance mondiale des capacités renouvelables, largement due au solaire et à l’éolien

En 2021, la capacité mondiale de production d’énergie renouvelable s’élève à 3 064 GW, soit 38,3% de la capacité mondiale de production d’énergie électrique (contre 36,6 % en 2020). Sur cette seule année, le monde a ajouté 257 GW d’énergies renouvelables (+9,1%), une croissance massivement portée par celle du solaire (+133 GW) et celle de l’éolien (+93 GW). A elles seules, ces deux sources d’énergie verte ont représenté 88% de l’addition nette de renouvelables sur l’année.

Ces tendances encourageantes observées en 2021 s’inscrivent plus largement dans celles qui se dégagent de la décennie écoulée. Ainsi, entre 2012 et 2021, la capacité mondiale de production d’énergies renouvelables a été multipliée par 2, passant de 1 444 GW à 3 064 GW, en grande partie grâce au développement des énergies solaire (x8) et éolienne (x3). A titre de comparaison, l’hydroélectricité a vu sa capacité de production croître de seulement 25% sur la même période, et ne semble pas véritablement bénéficier des politiques de transition énergétique déployées par les Etats.

Malgré ces évolutions, l’hydroélectricité conserve le poids le plus important dans le total de la capacité mondiale de production d’énergie renouvelable en 2021, à savoir 40%. Elle est ensuite suivie de l’énergie solaire (28%) et de l’énergie éolienne (27%). Les autres sources d’énergie, comprenant notamment la bioénergie, la géothermie et l’énergie marine, ne pèsent que les 5% restants.

 

Capacité mondiale de production d’énergies renouvelables (en GW)

 

Le rythme de croissance de la capacité de production mondiale d’énergies renouvelables est donc encourageant et souligne une accélération des efforts déployés durant la décennie écoulée pour accroitre la production d’énergie « verte ». Cette dynamique traduit dans les faits une prise de conscience accrue des États quant à la nécessité de décarboner leur production d’électricité. C’est ainsi qu’en 2021, le renouvelable représentait 81% des ajouts mondiaux de production d’énergie électrique toutes origines confondues, un record absolu. Pour autant, ces signaux prometteurs doivent être relativisés. Conjoncturellement d’abord, l’année 2021 marque un léger ralentissement par rapport à 2020 : en effet, cette année-là, la capacité mondiale de production d’énergies renouvelables avait crû de 10,4% (+265 GW), soit une augmentation supérieure de plus d’1 point à celle constatée en 2021 (+9,1%). Structurellement ensuite, le monde conserve une incontestable addiction aux énergies fossiles, au premier rang desquelles le charbon. Ce dernier est ainsi resté le combustible dominant pour la production d’électricité en 2021, avec 36% du total, suivi du gaz naturel (22,9%).[2] Une dépendance aux énergies les plus polluantes que les récentes évolutions géoéconomiques (reprise post-Covid) et géopolitiques (conflit en Ukraine) risquent d’accroître dangereusement…

 

La Chine loin devant, l’Europe bonne élève, les Etats-Unis à la traîne

La Chine, les Etats-Unis et l’Europe représentent à eux trois près de 50% des émissions de gaz à effet de serre de la planète, avec un poids respectif de 26%, 13% et 9%. Leur responsabilité est donc immense dans la lutte contre le réchauffement climatique, et les engagements qu’ils affichent en la matière ne cessent d’être toujours plus ambitieux. En septembre 2020, c’est non sans surprise que Pékin a annoncé pour la première fois vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. L’engagement européen place la barre encore plus haute : c’est à l’horizon 2050 que le Vieux Continent souhaite atteindre le « zéro émission nette ». Quant à Washington, Joe Biden a annoncé viser, après avoir réintégré l’Accord de Paris, une réduction de 50% des émissions en 2030 par rapport à 2005. Les trois plus grands pollueurs de la planète doivent désormais transformer les intentions en actes : dans cette transition écologique, la décarbonation passera nécessairement par le développement des énergies renouvelables. Dans ce domaine, de quels efforts les trois puissances ont-elles fait la preuve ?

L’étude du rapport de l’IRENA permet d’affirmer que les progrès les plus significatifs ont été réalisés par la Chine. En l’espace d’une décennie (2012-2021), sa capacité de production d’énergies renouvelables a plus que triplé, passant de 302 GW à 1 020 GW. Sur la même période, et à titre de comparaison, celle des Etats-Unis a doublé et celle de l’Europe augmenté de 64%. Aujourd’hui, l’Empire du Milieu peut légitimement se présenter comme le « champion » des énergies renouvelables : sa capacité de production (1 020 GW) représente 33% de la capacité mondiale de production d’énergies renouvelables, devant l’Europe (21% avec 647 GW) et les Etats-Unis (11% avec 325 GW). Une performance de l’Empire du Milieu qu’il convient toutefois de mettre en perspective avec sa production totale d’électricité, encore à 70% le fait de centrales thématiques à charbon.[3]

Sur la seule année 2021, l’Asie a représenté 60% des nouvelles capacités de production d’énergie verte (+155 GW), dont l’essentiel est le fait de la Chine (+120 GW) : cette dernière est le pays du monde qui a connu la plus forte augmentation (en valeur) de sa capacité de production d’énergie solaire (+53 GW), éolienne (+47 GW) et hydraulique (+15 GW). Sur la même année, les Etats-Unis ont vu leur capacité augmenter de 10,9% (+32 GW) et l’Europe de 6,4% (+39 GW).

 

Capacité de production d’énergies renouvelables par pays/région (en GW)

 

Part dans la capacité mondiale de production d’énergies renouvelables par source d’énergie en 2021 (en GW)

 

L’essor mondial des énergies renouvelables est donc essentiellement porté par la Chine. Si jusqu’en 2015, l’Europe pouvait se targuer d’être le meilleur élève en la matière, la capacité de production globale du Vieux Continent n’a pas tardé à être dépassée par celle de la Chine. Plus spécifiquement, Pékin est devenu leader mondial du solaire en 2017 et de l’éolien en 2018. Pour autant, l’Europe conserve la seconde place du podium, bien loin devant les Etats-Unis où le soutien public au déploiement des énergies vertes est plus incertain et où la guerre commerciale avec Pékin a considérablement impacté le développement du photovoltaïque.

Il ne reste que les tendances soulignées par le rapport de l’IRENA, à la fois sur la décennie écoulée et sur l’année 2021, sont encourageantes et traduisent les efforts déployés par la Chine, les Etats-Unis et l’Europe pour atteindre les ambitieux objectifs qu’ils se sont fixés en la matière. Pékin a ainsi annoncé dans une nouvelle feuille de route vouloir doubler sa capacité de production éolienne et solaire d’ici 2025 et non plus 2030. L’UE a elle aussi revu à la hausse ses ambitions avec son plan « Fit for 55 » : l’objectif affiché est celui de passer à 40% d’énergies renouvelables sur le continent d’ici 2030. En retard par rapport à son concurrent chinois et son allié européen, Joe Biden souhaitait également accentuer le soutien aux énergies propres en leur consacrant 550 Mds$ de son Build Better Act, un plan qui n’a finalement pas vu le jour suite au blocage du Sénat.

 

L’Afrique : le défi des énergies renouvelables encore à relever

Un autre cas d’étude intéressant est celui de l’Afrique. En effet, on sait le continent à la croisée des enjeux : en première ligne face aux effets dévastateurs du changement climatique, l’Afrique doit répondre à une demande croissante d’énergie à mesure que son électrification progresse, et peut mobiliser à cet effet les potentialités immenses qu’elle possède en matière de renouvelable. Mais exploite-t-elle ces dernières sensiblement plus qu’il y a 10 ans ?

En 2021, le continent africain présente une capacité de production d’énergie renouvelable égale à 56 GW : avec 2% du total mondial, cela en fait le Petit Poucet mondial de l’électricité verte. Si entre 2012 et 2021, la capacité de production africaine est passée de 28 GW à 56 GW, soit une multiplication par 2, la hausse se situe dans la moyenne de celle observée à l’échelle du monde, expliquant la stagnation du poids africain dans le total mondial.

La décomposition de la capacité de production africaine par sources d’énergies révèle à quel point l’essentiel de cette capacité repose sur l’hydroélectricité (34,4 GW en 2021, soit plus de 60% du total africain). Cette part a toutefois décru ces dernières années sous l’effet de la montée en puissance du solaire et de l’éolien qui représentent respectivement 20,4% et 13% de la capacité totale. Fait singulier, l’Afrique du Sud est le seul pays parmi les 14 du continent ayant une capacité de production d’énergies renouvelables supérieure à 1 GW, qui présente une part prépondérante du solaire dans sa capacité renouvelable (61%).

 

Capacité africaine de production d’énergies renouvelables (en GW)

 

Si en l’espace d’une décennie, le continent africain a réussi à multiplier par 2 sa capacité de production d’énergie renouvelable, traduisant par-là les efforts menés en la matière par différents pays, le défi demeure encore loin d’être relevé. En 2021, c’est en effet l’aire géographique qui a connu la plus faible croissance de sa capacité renouvelable (+3,9%) avec l’Amérique centrale/Caraïbes (+3,3%). Son large potentiel reste encore sous-exploité, notamment celui que renferme ses fleuves : à peine 10% du potentiel hydraulique du continent serait aujourd’hui mobilisé. Surtout, la capacité non-renouvelable du continent a continué à se développer plus vite que celle renouvelable en 2021, alors même qu’une transition énergétique réussie implique l’inverse. On comprend aisément l’exigence de l’Afrique à répondre le plus rapidement et le plus efficacement possibles à la hausse de la consommation : tout l’enjeu pour les années à venir réside donc dans la double nécessité de répondre au besoin croissant d’électricité par de l’énergie renouvelable, et que la capacité de production de cette dernière croisse plus vite que la demande afin de réduire progressivement la part du non-renouvelable.

 

Face à la nécessité d’une transition de long terme et à l’urgence des besoins de court terme, accélérer et accroître les efforts déployés

En somme, la tendance qui se dégage dans le rapport de l’IRENA va dans le bon sens : le renouvelable représente plus des 4/5e des capacités de production d’électricité installées en 2021, mais les efforts doivent être poursuivis et accélérés si l’on souhaite respecter la trajectoire fixée par l’Accord de Paris, à savoir maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C et rester proche de 1,5°C. Selon l’IRENA, cela implique d’atteindre d’ici 2030 40% d’énergies renouvelables dans la production mondiale d’énergie, tous secteurs confondus. A cet égard, António Guterres a tracé le chemin à suivre : développer la capacité de stockage des énergies renouvelables qui doit atteindre 600 GW en 2030 (contre seulement 5 aujourd’hui), simplifier et accélérer les procédures administratives pour la construction de nouvelles unités de production (il faut aujourd’hui 8 ans pour approuver un parc éolien dans l’UE et 10 aux Etats-Unis), stopper les subventions aux énergies fossiles (actuellement 11 M°$ par minute) et tripler les investissements en faveur du renouvelable. L’objectif est ambitieux, mais l’urgence de la crise climatique nous contraint à l’atteindre le plus rapidement possible. C’est désormais à la volonté politique de faire la démonstration de sa prise de conscience et de franchir les obstacles économiques et sociaux qui entravent la décarbonation accélérée de la planète.

Ces derniers sont d’autant plus importants que le contexte actuel fait émerger un besoin croissant d’énergie auquel pays développés comme en développement sont tentés de répondre en usant des énergies fossiles. La reprise économique ayant suivi la pandémie de Covid-19 a en effet fait exploser la demande mondiale d’énergie : face à de possibles pénuries, la Chine a considérablement relancé sa consommation de charbon et les Etats-Unis intensifié leur production de gaz de schiste. Quant à l’Europe, la guerre en Ukraine la prive désormais du gaz russe qu’elle compense tant bien que mal par le retour du charbon. Face à ces défis, les énergies renouvelables ne sauraient constituer une solution d’appoint : il faut désormais faire de cette nouvelle configuration mondiale l’opportunité d’un nouveau prisme énergétique où le renouvelable serait désormais la norme dans le déploiement de nouvelles capacités de production. Cette source d’énergie est en effet la seule à même de relever le double défi des années à venir : assurer la sécurité énergétique et limiter le réchauffement climatique.

 

[1] Renewable Capacity Statistics 2022. IRENA. Avril 2022.

[2] bp Statistical Review of World Energy. 71st edition. 2022.

[3] Monthly Statistics of China Power Industry (Jan-Aug, 2021). China Electricity Council.

Charles BOSSELUT, Chargé de mission à la Fondation Prospective et Innovation

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