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Ce 27 février 2023, Rishi Sunak et Ursula von der Leyen se sont enfin entendus sur la manière de traiter le cas particulier de l’Irlande du Nord dans la mise en œuvre du Brexit. La question était particulièrement épineuse puisqu’il s’agissait de concilier une chose et son contraire : préserver la libre circulation entre les deux parties de l’île, préalable indispensable au maintien de la paix civile en Ulster, tout en rétablissant la frontière entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, conséquence inévitable du divorce. En fait, c’est le point névralgique qui, depuis le début du processus de séparation en 2016, a empoisonné jusqu’à ce jour toute la relation entre les deux côtés de la Manche. On lui doit le calvaire et la chute finale de Theresa May, on lui doit les piteuses tentatives de Boris Johnson pour renier la signature du Royaume-Uni alors que l’encre en était à peine sèche, on lui doit surtout d’avoir bloqué depuis 2021 tout progrès sur les nombreuses questions laissées en suspens par l’accord concernant les relations futures entre les deux parties (et parmi celles-ci, la question cruciale du régime des services financiers). Dans ce contexte, l’accord du 27 février, encore appelé « accord de Windsor », vient très opportunément dissiper les nuages qui s’étaient accumulés au-dessus du Channel et tourne la page de 7 ans d’acrimonie.

En pratique, il revient à réduire l’impact du « sas » commercial établi en Mer d’Irlande. D’une part, il crée deux catégories de biens transitant en Mer d’Irlande : ceux, les plus nombreux, qui sont destinés uniquement au marché de l’Ulster et sur lesquels les contrôles vont être considérablement allégés et les autres, destinés au marché de la République d’Irlande, sur lesquels se concentreront désormais l’essentiel desdits contrôles. D’autre part, il simplifie les procédures pour les colis postaux, les importations de médicaments, de plantes ou d’animaux vivants. En revanche, contrairement à ce que les « hard brexiters » demandaient, il allège à la marge mais ne remet pas fondamentalement en cause l’application du droit communautaire et la juridiction de la Cour de Justice de l’Union sur le territoire de l’Ulster.

L’accord de Windsor doit encore être approuvé par la Chambre des Communes. Mais il apparaît d’ores et déjà qu’un très large consensus se dessine en sa faveur, qui va jusqu’à englober une bonne partie des Brexiteurs les plus radicaux ainsi que les plus raisonnables des militants du DUP, le parti unioniste protestant d’Irlande du Nord. Il est donc très probable qu’il sera effectivement voté.

En fait, ce changement d’atmosphère est largement dû au renouvellement récent du personnel dirigeant à la tête du Royaume-Uni. Boris Johnson, Liz Truss, David Frost et Dominic Raab, cultivaient un style inutilement provocateur. Leur ont succédé en octobre 2022 un nouveau chef du gouvernement, Rishi Sunak, et un nouveau chef de la diplomatie, James Cleverly, qui par leur pragmatisme tranquille éloigné de toute démagogie, ont su rapidement rétablir la confiance avec leurs interlocuteurs européens.

Quoi qu’il en soit, en mettant un terme à une longue dispute, le nouvel accord ouvre la voie à une relance de la coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, notamment en matière de défense et de sécurité, en matière de migration, de recherche, de pêche… Plus précisément, il va permettre de reprendre la négociation sur la question des services financiers. Il était entendu initialement que celle-ci devait faire l’objet d’un « memorandum of understanding » avant mars 2020 : trois ans plus tard, il n’a toujours pas vu le jour en raison du blocage sur l’Ulster. L’obstacle est maintenant franchi.

Plus généralement, à l’heure de la guerre en Ukraine, cet apaisement des tensions au sein du continent européen est particulièrement bienvenu. La prochaine visite que Richi Sunak doit faire à Paris marquera d’un premier signe la réconciliation avec les alliés. Une visite de Joe Biden à Belfast à l’occasion du 25ᵉ anniversaire des accords du Vendredi saint ou une participation du même Joe Biden aux festivités du couronnement de Charles III en serait la consécration.

Philippe COSTE

Ancien Ambassadeur

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