Ci-après, quelques notes tirées des échanges du Forum annuel de la Fondation Prospective et Innovation qui vient de se tenir les jeudi 27 et vendredi 28 août 2020et qui, comme chaque année, donneront lieu à la publication d’un ouvrage.

Pour sa quatorzième édition, le Forum annuel de la Fondation Prospective et Innovation s’est tenu en ligne et non pas au Futuroscope de Poitiers. S’il manquait bien sûr le contact personnel, cette proximité humaine pour cause de virus, sa diffusion en ligne a cependant permis d’élargir un auditoire qui a changé d’échelle avec plus de deux mille inscrits d’Asie, d’Allemagne, d’Afrique et d’Europe et un pic d’auditeurs de près de 1700. La région Nouvelle-Aquitaine avec son Président Alain ROUSSET a été comme l’année précédente le partenaire actif de cette rencontre.

Si la décision de diffuser en ligne a été difficile à prendre – une décision à laquelle nous ne sommes pas condamnés -, elle présente néanmoins des avantages certains. De ce fait, il a été décidé que nos prochains Forums en présentiel au Futuroscope seront doublés d’une dimension en ligne.our sa quatorzième édition, le Forum annuel de la Fondation Prospective et Innovation s’est tenu en ligne et non pas au Futuroscope de Poitiers. S’il manquait bien sûr le contact personnel, cette proximité humaine pour cause de virus, sa diffusion en ligne a cependant permis d’élargir un auditoire qui a changé d’échelle avec plus de deux mille inscrits d’Asie, d’Allemagne, d’Afrique et d’Europe et un pic d’auditeurs de près de 1700. La région Nouvelle-Aquitaine avec son Président Alain ROUSSET a été comme l’année précédente le partenaire actif de cette rencontre.

Le thème de cette année, « Les nouveaux déséquilibres du monde », s’inscrit dans la réflexion menée de longue date par la Fondation sur l’émergence de la Chine et le nouvel équilibre à trouver pour protéger la santé politique, économique et morale de la planète.

Il a été débattu par des personnalités venues d’horizons géographiques et professionnels différents autour de trois tables rondes, de deux grands entretiens, André CHIENG ayant conclu les rencontres.

 

Le confinement de la Chine par les États-Unis

 

Jean-Paul BETBEZE, Economiste, a présenté en images les changements lourds que provoque la COVID-19. Premier changement, la Chine rattrape plus rapidement les États-Unis avec un dépassement de son PIB prévu maintenant en 2027 et non plus en 2040. La Chine passe ainsi de 6 % à 5 % de taux de croissance annuelle moyenne mais garde une avance de croissance de 3,5 % l’an sur les États-Unis. Un doublement tous les 20 ans. Autres conséquences de la COVID-19, on peut s’attendre à ce que la coordination mondiale diminue, que les chaînes de production soient rapatriées et la digitalisation accélérée.

L’Europe qui en sort affaiblie économiquement pourra cependant réaliser des compromis sur les réformes en matière fiscale, la politique industrielle, la contraction de dettes communautaires…

En danger existentiel, elle doit réagir sous peine de devenir insignifiante.

 

Pascal BONIFACE, Directeur de l’IRIS, a cadré l’affrontement entre Chine et États-Unis, devenu un trait permanent de la physionomie et de la physiologie de la scène mondiale.

Si le confinement est concevable sur le plan politique comme ce fut le cas pendant la guerre froide, il ne l’est pas en économie car on ne peut bloquer la mondialisation, empêcher la Chine de croître et de dépasser l’Amérique.

Les États-Unis, habitués à occuper la première place sur le plan mondial, ne peuvent accepter de perdre cette primauté. La politique de TRUMP est, de fait, favorable à la Chine car elle lui facilite l’affirmation de son influence dans les enceintes multilatérales et met systématiquement à mal les relations de Washington avec les autres pays, même ses alliés proches, Richard NIXON et Henry KISSINGER avaient eu l’intelligence de se lancer dans la détente avec l’ex-Union Soviétique quand les circonstances s’y prêtaient et que cela paraissait conforme aux intérêts américains.

La France n’a pas ni ne peut avoir cette illusion de donner un coup d’arrêt à la croissance de la Chine. La Chine n’est pas l’Occident et nous n’avons pas le même système. Cela dit, si la Chine est autoritaire, elle n’est plus le régime totalitaire de Mao ZEDONG. Cent cinquante millions de Chinois voyagent par exemple chaque année en dehors de la Chine et y reviennent.

La France n’a pas intérêt à s’aligner sur Washington, à faire la guerre à la Chine car sa situation diffère de celle des États-Unis qui veulent avant tout conserver leur rang.

 

Ali LAÏDISpécialiste de la guerre économique, a présenté les outils dont disposent les États-Unis et la Chine pour se combattre.

Il rappelle le précédent que constitue la réaction américaine du début des années 90 face à la montée en puissance économique du Japon. Washington avait alors mis en place une panoplie d’instruments juridiques, administratifs, d’espionnage des entreprises étrangères…

Au même moment, Pékin avait tiré les leçons de la manière dont est conduite la guerre du Golfe, objet de la « Guerre hors limite » publié en Chine en 1992–1993 par deux militaires de haut rang, Qiao LIANG et Wang XIANGSUI. La guerre n’est ainsi plus essentiellement militaire mais culturelle, de communication.

L’Europe reste alors dépourvue de pensée stratégique et ne comprend pas qu’elle est au menu de cette rivalité sino-américaine. Manque de réflexion, d’instruments de guerre économique. Des signaux d’un réveil, de la prise de conscience de cette naïveté se manifestent cependant.

 

Nicole BACHARANExperte de la vie politique américaine, évalue pour sa part les perspectives qui peuvent se dégager des prochaines élections présidentielles américaines. Les États-Unis sont dans une situation difficile, très désunis comme le démontre la concurrence électorale entre deux candidats inconciliables. Donald TRUMP contestera certainement les résultats du 3 novembre s’ils lui sont défavorables.

Le mal-être américain est parti pour durer. Il en va de même de la tension américano-chinoise qui a de multiples dimensions (politique, économique, stratégique…). Les griefs adressés à Pékin ne sont pas propres aux Américains car ils sont le fait de nombreux autres pays asiatiques, européens.

Donald TRUMP n’a pas de vision géostratégique, ses réactions sont simplistes, à court terme.

En cas d’élection de Joe BIDEN, l’hostilité à l’égard de la Chine ne disparaîtra pas avec les griefs traditionnels auxquels s’ajouteraient ceux sur les droits de l’homme.

La Chine peut s’en inquiéter mais elle y gagnera en termes de prévisibilité, de capacité à traiter le long terme. Pour l’heure, elle évite d’alimenter l’escalade et réagi avec mesure.

L’intérêt européen est aussi d’avoir un partenaire prévisible avec lequel elle peut traiter en profondeur et intelligence des grands problèmes du moment.

 

Caroline PUELEcrivain et Enseignante, évoque l’attitude chinoise face à cette volonté américaine de confinement. Ce n’est pas une surprise pour Pékin qui, dès 1975, dans la bouche de Zhou ENLAI, exprimait le souhait de la Chine de rejoindre les grandes puissances au tournant du siècle. Cela, par la stratégie du canard, immobile à la surface mais s’agitant sous l’eau.

La crise de 2008 a été un révélateur de ce grand retournement des rapports de force économiques. Les grands émergents s’en sont sortis mieux économiquement, les États-Unis et l’Europe ayant à faire face à des difficultés internes.

L’émergence de la Chine a commencé à faire peur d’autant qu’elle affichait sa volonté de maîtriser les nouvelles technologies. Les sociétés américaines ont commencé à être concurrencées par les sociétés chinoises.

Les Chinois respectent l’identité européenne, son histoire ancienne, l’appartenance au même ensemble eurasiatique. Volonté de rapprochement stratégique de Pékin avec celle-ci, mais sans hâte, sans faire les gestes attendus. Cela dans l’attente des élections américaines.

Pourquoi la Chine ne fait-elle pas ces gestes ? Les Chinois font des efforts envers l’Europe mais sans aller jusqu’au bout (barrières non tarifaires, commerce, propriété intellectuelle…). Une cause en est que l’Europe paraît alignée sur les États-Unis, n’a pas de politique affirmée, ne peut se débarrasser d’une dépendance psychologique, culturelle, financière vis à vis des États-Unis.

 

Thierry BRETONCommissaire européen, a confirmé le souci de l’Europe d’être plus attentive quant au respect des conditions de concurrence, de technologies sensibles, de règles claires, cela en maintenant l’esprit d’ouverture, d’équilibre et de concurrence. La Commission dispose du pouvoir de la parole, de la force de conviction. Plus de naïveté désormais mais l’affirmation de principes et la mise en place des outils pour les faire respecter.

La souveraineté européenne n’empiète pas les souverainetés nationales. L’Europe doit être autonome, être à armes égales avec la Chine et les États-Unis, sans en être le terrain de jeu.

Diversification des sources d’approvisionnements, les rendre les plus résilientes sans cependant aller jusqu’à la relocalisation. Médicaments, énergie, ferroviaire sont des secteurs prioritaires. Le numérique, la nouvelle quatrième dimension, a reçu une accélération forte avec la COVID-19. Ce secteur est encore largement désorganisé d’où la nécessité d’édicter les règles. La Commission avance sur la souveraineté informationnelle…

Les données sont essentielles et l’Europe n’a pas réagi aussi bien que les États-Unis ou la Chine car elle n’a pas d’unité géographique. Mais la guerre n’est pas perdue et la véritable bataille va démarrer avec la 5G et les données industrielles qui explosent quantitativement avec un doublement en volume tous les 18 mois et pour lesquelles l’Europe est le premier fournisseur. Cela conduit à créer des clouds industriels européens pour les stocker et les protéger des prédations ou règlements étrangers.

La puissance de calcul est un autre élément essentiel de l’espace informationnel. La production de microprocessus très performant est tout aussi essentielle pour l’autonomie.

Illustration que l’Europe reste dans la course, l’Europe est la seconde puissance spatiale ; Galileo, est ainsi bien supérieur au GPS américain.

La connectivité est indispensable tout comme la sécurité des réseaux pour lesquelles toutes les compétences existent en Europe. Il en est de même de la cyber sécurité. La diplomatie des masques a accéléré la prise de conscience de la dépendance européenne.

L’Europe a su réagir à la crise sanitaire de manière massive et solidaire. C’est un acquis majeur.

Le désengagement des États-Unis dans le domaine militaire est un encouragement à créer la défense européenne. Le renseignement doit continuer à être un terrain de coopération.

Le Fonds Européen de Défense est prometteur et doit mobiliser l’ensemble des 27 à travers leurs entreprises.

L’intelligence artificielle passe par des données, des algorithmes, des machines e-learning.

L’Europe est le premier continent démocratique sur la planète qui défende l’État de droit et qui soit déterminé à le défendre. C’est une force et un impératif.

Le processus de décision en Europe n’est pas unique et un parallèle peut être fait entre le système européen et américain ; il faut longuement négocier entre l’exécutif et le législatif dans les deux cas, avec les États en plus pour l’Union Européenne.

De même, s’agissant du tandem franco-allemand, il faut tenir compte de ce fonctionnement démocratique et éviter de donner le sentiment que certains États comptent plus que d’autres. L’Allemagne se rapproche des positions françaises, ce qui permet d’avancer sur certains dossiers clés.

 

Les territoires face aux risques de découplage

 

Dominique BUSSEREAUPrésident de l’Assemblée des Départements de France, a rappelé que sept départements ont une coopération avec la Chine autour du tourisme, de l’attractivité des territoires, de l’enseignement supérieur. La pandémie a bloqué les échanges physiques mais pas la communication qui a pris activement le relais.

L’image de la Chine a été abimée par les récents développements et il faudra réfléchir à la manière d’actualiser les liens lors de la reprise des déplacements. L’annulation du grand Pavois rejaillit négativement sur le projet d’avoir l’équivalent en Chine.

 

Marc PRIKAZSKYPrésident Directeur général de CEVA SANTE ANIMALE et Président des ETI de Nouvelle-Aquitaine, a rappelé que le moteur de la croissance mondiale est la Chine et que l’on a besoin d’une Europe forte. On ne peut exister sans être présent dans les pays à croissance rapide et aux opportunités multiples.

Le virus a amené à changer de méthode de travail, avec plus de recours au numérique, à la communication à distance. De ce point de vue, la 5G est indispensable et doit permettre aux territoires d’échapper à l’isolement, au désert économique. De façon générale, les collectivités locales s’équipent de manière accélérée en fibre. Des déclarations défavorables à la 5G dans de grandes villes rejaillissent négativement sur à la santé économique des territoires.

 

Alain ROUSSETPrésident de la Nouvelle-Aquitaine, souligne le caractère centralisé de la France, son émiettement géographique et l’absence d’ETI en nombre suffisant. Cela affaiblit la résilience de la France.

Certains produits comme le Cognac exporté à 98%, le vin à Bordeaux ou d’autres produits (céramique), se trouvent fragilisés par les prises d’otages tarifaires mais aussi par la surproduction. D’où l’importance des résultats des élections américaines au regard de ce type de comportements.

Les compétences humaines font défaut dans certains domaines comme la maintenance électronique, ce qui conduit à des dépendances sur des produits essentiels à la vie économique.

 

Elisabeth MORIN-CHARTIERancienne Présidente de région et députée européenne (2007-2019), a mis l’accent sur la disparition à terme rapproché des emplois à compétences réduites (15% des emplois globaux) et les besoins à mener (15% de l’emploi total). Pour créer les compétences pointues nécessaires, il faut repyramider l’emploi pour être armé dans la guerre économique que nous vivons. Cela passe par des changements du système éducatif et de formation. Cela doit se dérouler dans la décennie qui s’ouvre et il faut donc mener sans délais les actions de la formation continue en attendant les évolutions de la formation initiale.

Le système éducatif français n’est pas assez ouvert au monde, même si des exceptions existent. Les entreprises gardent la volonté d’aller à l’international, de gagner des parts de marché.

La nouvelle-Aquitaine accueille des entreprises internationales mais l’environnement est primordial, y compris la volonté américaine de rapatrier des usines aux États-Unis. Elle est présente dans plusieurs États (dont la Chine) mais sans doublon avec les organismes d’État (Ambassade, Business France…) et en évitant la dispersion.

Il faut se prévenir contre la capacité de Washington à bloquer tout usage d’un produit qui comporterait un élément technologique américain.

L’accès aux marchés étrangers passe plus facilement par la croissance externe et par l’apprentissage permanent des stratégies internationales. Il faut de l’endurance et de la pédagogie, comme le démontre le marché chinois sur lequel CEVA a doublé son chiffre d’affaire au cours des douze derniers mois.

 

Exister dans un monde fracturé

 

Une nouvelle donne internationale se met en place, une tension durable s’installe, les régions du monde sont le lieu de compétition entre les grandes puissances.

 

Renaud GIRARDGrand reporter au Figaro, est convaincu que la tension est durable, quelque soit l’issue du scrutin présidentiel. Joe BIDEN élu, la situation ne changera pas. Le Royaume-Uni a supplanté à la France le leadership à Waterloo, puis les États-Unis ont pris le flambeau remis par Winston CHURCHILL à Franklin D. ROOSEVELT. Les États-Unis ne sont pas disposés à remettre ce flambeau à la Chine sans résistance et bagarre.

La Chine a conquis via la 5G l’Afrique, une partie de l’Asie, d’autres pays ou zones échappent.

Guerre technologique assurément, mais probablement pas de guerre chaude sauf un risque sur Taïwan. La Chine a gagné la bataille de la mer de Chine méridionale et cela ne doit pas être un sujet de belligérance. Pour Taïwan, le conflit chaud n’est pas à exclure si la Chine, du fait de difficultés intérieures, voulait rassembler la nation chinoise. De par la politique de Pékin, la Chine a des partenaires commerciaux, des obligés mais pas d’alliés, pas d’amis. Un revirement américain vis-à-vis de la Chine pour rechercher la détente n’est pas probable mais n’est pas à exclure, aux dépens de l’Europe.

 

Vladimir YAKUNINPrésident du Conseil d’Administration de l’institut de recherche « Dialogue of Civilizations » estime que dorénavant tout est politique, du fromage français aux sociétés technologiques chinoises.

Les affirmations que la Russie essaie de tirer son épingle du jeu et qu’elle n’est pas européenne sont erronées. La Russie est à cheval sur l’Europe et l’Asie mais la Russie est avant tout européenne par la culture, par les hommes. Un bon équilibre existe entre la Russie et la Chine mais Moscou ne cherche pas à utiliser la carte chinoise dans ses relations avec Washington.

Les sanctions ont amené Moscou à remettre à plat ses relations avec Pékin mais sans perdre de vue son intérêt pour l’Europe. L’idée d’une alliance entre la Russie, le Japon et les États-Unis pour confiner économiquement la Chine n’est pas pertinente.

Ce n’est pas la position russe car il faut se garder d’exiger des tiers de prendre parti car ce seraient s’engager dans la guerre froide. L’exemple du gazoduc nord Stream 2 montre bien que Washington pousse avant tout les intérêts gaziers américains. L’Europe doit œuvrer à faire baisser les tensions, à calmer le jeu.

Les dépenses militaires russes représentent 10% des dépenses américaines et est du même ordre que celles de l’Arabie Saoudite, la classant au quatrième rang mondial. Comprendre l’autre est la base du dialogue, l’autre peut juger les autres selon ses critères culturels.

L’état de crise va perdurer pendant les six mois à venir et il faut veiller à y remédier dans le respect des autres civilisations.

 

Renaud GIRARD considère que la Russie appartient culturellement à l’Europe dans ses profondeurs. C’est une erreur stratégique cardinale que de pousser les Russes dans les bras chinois. Vladimir POUTINE a pu commettre des erreurs dans le Donbass. S’agissant de la perspective de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, celle-ci était inacceptable pour Moscou, car en contradiction avec les engagements pris auprès de GORBATCHEV. France et Russie se portent mieux quand l’entente prévaut. Les sanctions commerciales ne sont pas efficaces car la Russie à l’expérience historique de l’adversité, des privations. Il faut tacher d’intégrer la Russie dans l’espace européen après la faute commise dans la gestion de l’Ukraine, tout en défendant nos valeurs autour de l’Etat de droit.

L’islamisme gagne du terrain, ce qui n’est pas acceptable car il ne respecte pas la déclaration universelle des droits de l’homme (statut de la femme, liberté de conscience, de religion) ni les frontières. La fibre du nationalisme est manipulée par des pays comme la Turquie, qui avanceront tant qu’un coup d’arrêt ne sera pas donné. L’attitude allemande, l’indifférence nordique ne facilitent pas une réponse européenne adéquate.

L’idéologie chinoise pousse au totalitarisme mais n’est pas agressive à l’extérieur.

Les Américains se comportent de manière unilatérale et ne sont pas fiables, multipliant les erreurs et les manquements. L’exceptionnalisme américain n’est donc pas de mise.

Enfin, les inégalités sociales et les paradis fiscaux constituent un autre facteur de rupture.

Le multilatéralisme est abandonné par les Américains et les Chinois. Il régresse.

 

Vladimir YAKUNIN fait part de pistes éventuelles sur le futur de la gouvernance mondiale, formulation qu’il récuse car n’existe pas de dirigeant du monde. Durant 75 ans, le système des Nations Unies a apporté la paix et l’on ne voit pas par quoi il pourrait être remplacé, sans provoquer le chaos.

Le monde change. 60% du PIB mondial sont dû aux émergents alors qu’ils sont des juniors partners dans les institutions mondiales. La pandémie a des effets tragiques, plus tragiques que ceux d’une guerre. La mondialisation ne sera plus comme avant. Les institutions de coordination internationale (G20, OMS, OMC) sont à développer et non à condamner. Une règlementation internationale est à mettre en place sur l’utilisation des données par le numérique et seules les Nations-Unies sont à même d’y travailler.

Réalisme, Respect, Réciprocité, sont les mots clés qui ont marqué les débats.

 

L’impact des crises sur la place de la France dans l’économie mondiale

 

Frank RIESTER, Ministre délégué en charge du Commerce extérieur et de l’Attractivité, présente l’impact mondial du virus ainsi que sur la France : baisse de l’offre, de la demande, désorganisation de la logistique.

Le repli sur soi, la fermeture des frontières ne sont pas des solutions. Il faut renforcer sa résilience mais en luttant contre la tentation du protectionnisme. Cela passe par une fiscalité moins pénalisante, un dialogue social plus fluide, investir dans la formation, accélérer la transformation de l’appareil industriel. Le plan de relance de 100 milliards d’euros avec la baisse des impôts de production (10 milliards €) encourage l’innovation (santé, aéronautique, agro-alimentaire, ville durable, NTIC…).

L’échelon régional est celui de référence par la définition des stratégies et les collectivités locales sont intégrées dans l’équipe français à l’exportation.

 

Le mot de la fin

Le mot de la fin est revenu à André CHIENG, Président Directeur Général de l’Asiatique Européenne de Commerce, qui a mis en exergue les difficultés de la communication entre civilisations. Parcourir la totalité de la Route de la soie prenait 7 à 8 ans et ceux qui l’empruntaient n’en parcouraient qu’un tronçon et non pas l’intégralité, d’où des échanges culturels limités.

Le principe d’universalité s’applique à la nature mais pas aux sociétés humaines. L’universalité proclamée du marché apparait comme un instrument de domination. L’accession à l’OMC et l’usage d’internet étaient pour Bill Clinton les chevaux de Troie de la liberté.

Le principe de la légitimité conduit à l’infaillibilité du peuple qui succède à celle de Dieu. Mais, les grands empereurs chinois trouvaient leur légitimité dans la qualité de leurs actions.

Quand le coronavirus est apparu, certain ont prévu un « moment Tchernobyl » pour la Chine, avec l’effondrement annoncé du régime. Après des erreurs initiales, la Chine a réagi et a traité efficacement le virus, recevant des marques de solidarité, notamment de la France.

Mais l’opinion publique occidentale s’est retournée ensuite contre la Chine avec des accusations sur l’origine du virus, sa dissimulation.

Les relations amour/haine entre les États-Unis et la Chine remontent au XIXème siècle avec la venue d’ouvriers chinois pour construire les voies ferrées puis a été édictée puis l’interdiction d’émigrer qui fut levée seulement en 1943. La venue d’étudiants, les opportunités économiques ont fait des États-Unis une destination privilégiée pour les chinois. L’arrivée de Donald TRUMP amène à l’affrontement par tous les moyens, sauf militaires.

 

Quelle stratégie de la Chine ?

Créer un bloc autour d’elle n’est pas envisageable car les États du monde ne veulent pas se couper de Washington.

Le moyen est de fissurer le bloc antichinois qu’essaie de constituer le Président américain, entreprise de division qui est grandement aidée par Donald TRUMP qui maltraite ses alliés.

Pékin veut éviter le piège de Thucydide en récusant l’affrontement frontal. Il est encore possible d’éviter la fracture du monde et l’Europe y a toute sa responsabilité.

 

Conclusions

Tirant les conclusions, Jean-Pierre RAFFARIN a d’abord relevé qu’au final, Donald TRUMP est un paradoxe, il suscite l’opposition, la critique, de ses partenaires alors qu’il devrait restaurer le leadership américain dans les circonstances actuelles.

Sur le marché, le multilatéralisme et les valeurs, les relations avec la Chine vont du vert au rouge car sujets d’entente et de différences donnent une dimension complexe à nos relations. Il est clair des débats qui s’achèvent qu’un appel à l’Europe est lancé autour du thème de son indépendance. A elle de répondre au défi.

 

Serge DEGALLAIX

Directeur général de la Fondation Prospective et Innovation