Date de la conférence : 22 novembre 2021
Intervenants
Au lendemain du Sommet de la COP26, les opinions sont mitigées. Les pessimistes voient en les négociations de Glasgow un énième Sommet dans lequel l’urgence de l’action a été éclipsée par de grands discours faisant du symbolique leur fer de lance en se gardant de mettre en place des mesures pratiques pour faire face au réchauffement climatique. Les optimistes, eux, se réjouissent de l’ampleur de la mobilisation réunissant chefs d’États, acteurs de la société civile et du secteur privé, qui travaillent ensemble pour penser un avenir commun.
Dans ce contexte, il est possible de se demander si la COP26 est un succès ou un échec de plus. Quels jugements les grands ensembles géopolitiques portent-ils finalement sur la COP26 ?
La Fondation Prospective et Innovation s’est attachée à analyser le bilan de la Conférence de Glasgow du point de vue américain, chinois, européen et africain. Animé par Jean-Pierre RAFFARIN, le webinaire a permis des échanges entre Vahinala RAHARINIRINA, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de Madagascar, André CHIENG, Président Directeur général de l’Asiatique Européenne de Commerce (AEC), Vice-Président du Comité France-Chine, Olivier PITON, avocat au barreau de Paris et de Washington, Conseiller pour les Français de l’Étranger (États-Unis) et Alexandre BORDE, Président de Cibola Partners.
La position américaine : symbolisme marqué, réalisme délaissé
La COP26 représente aux yeux des Américains l’occasion de se réapproprier la lutte contre le réchauffement climatique de manière à rompre avec l’administration précédente et à effacer des mémoires l’épisode climato-sceptique trumpien.
Les États-Unis de Biden s’attachent au non-dépassement des 1.5 degré, déjà exhorté lors de l’Accord de Paris, reconnaissent le poids des énergies fossiles dans les émissions des gaz à effet de serre et diffusent une déclaration avec la Chine qui ne compte pas d’engagements contraignants mais est un signal d’une volonté commune de coopérer face à des enjeux planétaires existentiels.
Cependant, la délégation américaine refuse de participer aux dispositifs de soutiens financiers aux pays en développement, qui sont les plus touchés par le réchauffement climatique même s’ils en sont les moins responsables. Alors que la position américaine admet l’impact des énergies fossiles sur le climat, tout en, dans un souci de maintenir la stabilité des prix du pétrole en période pré-électorale, les États-Unis continuent de signer des accords pétroliers.
L’ambigüité de la position chinoise à l’égard des enjeux climatiques
Fortement critiquée par son homologue américain, L’absence de Xi Jinping, À Glasgow, plus que politique est avant tout sanitaire. Probablement non vacciné, Le Président chinois n’a pas quitté la Chine depuis le début de la pandémie et évite les contacts. Pour André Chieng, cette absence n’annonce en rien la fermeture de la Chine au multilatéralisme et ne doit pas camoufler les efforts environnementaux entrepris par l’Empire du Milieu.
La Chine vient d’adopter sa sixième Résolution du plénum qui préconise la lutte contre les déséquilibres entre besoins croissants de la population et développement, tout en essayant de mieux concilier la relation Homme-environnement.
Si les Chinois sont les premiers pollueurs mondiaux, ils sont aussi les premiers investisseurs dans les énergies vertes. La Chine se sent victime d’une certaine injustice puisque les pays occidentaux qui ont délocalisé leurs industries polluantes sur son territoire, l’accusent d’être responsable de la majorité des émissions de gaz à effet de serre même si ses émissions une fois portées au nombre d’habitants, se placent bien en dessous de celles des États-Unis et se situent au niveau européen.
Le bon élève européen
Du côté européen, la satisfaction domine malgré certaines crispations et faiblesses. Alors que le marché des quotas de carbone et la taxe carbone aux frontières sont mieux acceptés, la position polonaise et le plan d’aide aux pays les plus vulnérables ont désappointé l’Union européenne.
En raison des atteintes à l’État de droit par Varsovie, la Commission européenne a gelé le plan de relance de 36 milliards d’euros destiné à la Pologne. Les délégués polonais se sont servi des négociations de la COP26 pour revenir sur cette question en arguant que ces fonds serviraient à financer la transition énergétique du pays. La question climatique ne devient qu’un moyen pour arriver à des fins politiques.
L’autre faiblesse de l’UE portait sur le financement de l’aide aux pays les plus vulnérables. Alors que la COP de 2009 à Copenhague promettait 100 milliards de dollars pour 2020 à ces pays, en novembre 2021, cette question fait encore débat et, même si l’Europe reconnait ce déficit de financement, aucune solution concrète n’est proposée pour y remédier. Pourtant, l’opinion publique européenne, ainsi que l’extrême droite, hostile à l’immigration supplémentaire engendrée par les phénomènes climatiques, y sont favorables. La Commission européenne exhortait, à la veille de la COP26, les États à respecter les engagements de l’Accord de Paris et à mobiliser annuellement entre 2020 et 2025 100 milliards de dollars pour aider les pays les plus vulnérables à faire face au réchauffement climatique, beaucoup de réticences ont été rencontrées.
L’Afrique, laissée sur le banc de touche
Les négociations de Glasgow constituent une profonde déception pour l’Afrique, et pour les pays du sud de manière générale. Après que chaque État a mis en place le plan national d’adaptation climatique qui leur était demandé et après être enfin prêt à actionner leur transition énergétique, les financements, pourtant promis, font défauts pour accompagner ces pays vulnérables. La venue de l’ancien Président Barack Obama, a suscité l’optimisme des Africains mais il était la seule personnalité à parler des pays du sud et de la question du financement climatique.
Selon le mot du représentant de la Barbade, si la limite des 1.5 degré n’est pas respectée, c’est une sentence de mort des pays en développement.
Alors que l’Afrique n’est responsable que de 3% des émissions de gaz à effet de serre, elle se retrouve en première ligne des conséquences du changement climatique. La déclaration commune entre les États-Unis et la Chine, responsables à eux deux de plus de 50% des émissions, représente une avancée sur le plan diplomatique en restaurant le dialogue entre les pays, il n’est pas, d’un point de vue pratique, à la hauteur de l’urgence de la situation.
Malgré cette COP morose, la suivante à Charm-el-Cheikh, sur le continent africain, éveille l’espoir des pays du Continent qui auront l’opportunité de prendre une plus grande place lors des négociations.
En conclusion, malgré une importante mobilisation rassemblant une multiplicité d’acteurs, la COP26 a tout de même déçu. Les espoirs demeurent et la COP27 de Charm-el-Cheikh aura la lourde de tâche de résoudre les problèmes laissés sans réponse à Glasgow. Il faut continuer à chercher à dépasser les déclarations en petits groupes et les intérêts individuels pour arriver à un réel multilatéralisme agissant pour un futur commun.
Replay de la conférence
Téléchargement