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BILLET DU JOUR : La Chine, forte de ses faiblesses

7 avril 2020

Billet d’André CHIENG

 

LA CHINE FORTE DE SES FAIBLESSES

 

Tandis que le Covid-19 progresse dans le monde, la polémique enfle sur le statut de la Chine à l’issue de la crise. Sera-t-elle une étoile déchue ? le Parti communiste chinois déjà éprouvé en 2019 par la guerre commerciale avec les Etats-Unis, une révolte inattendue des étudiants à Hong-Kong et une croissance affaiblie connaitra-t-il son moment Tchernobyl Ou émergera-t-elle en nouveau leader mondial, ayant mieux contenu l’épidémie que les Etats-Unis et ayant apporté son aide en masques, respirateurs et autres appareils au reste du monde à rebours de l’égoïsme américain?

On sent bien que la vraie confrontation se produira après la crise. Le juge de paix en sera la situation économique de chacun. Quelle sera celle de la Chine ? La question se pose maintenant qu’elle est en train de sortir progressivement de son confinement.

Faisons une constatation en forme de paradoxe : la Chine est d’abord forte de ses faiblesses !

On l’a assez critiquée pour le poids de ses sociétés d’Etat (encore 40% du PIB) : inefficaces, obèses, elles ont réalisé des profits volés à l’économie du pays disent les experts. Il n’empêche qu’en cette période de crise, elles n’ont pas licencié, jouant le rôle d’amortisseur social. La Chine a encore une structure économique arriérée : un secteur primaire agricole employant 26% de la main d’œuvre, un secondaire (28%) et tertiaire (45%).  Mais cette crise sans précédent affecte surtout le tertiaire dont le poids est moins important en Chine que dans les autres pays. Le monde rural, comptant encore environ la moitié de la population, n’a pas été touché par l’épidémie. Cette structure archaïque du PIB chinois a ainsi paradoxalement en partie protégé le pays du choc de la crise. Mieux encore, une des grandes faiblesses de la Chine était la pauvreté de son réseau de distribution traditionnelle qui a eu pour conséquence l’essor du e-commerce (Alibaba, JD.com, Tencent,…). La Chine est l’un des pays au monde où le e-commerce est le plus développé et où, par conséquent, le confinement actuel a le moins pénalisé la distribution.

Un des grands problèmes de la Chine est encore sa protection sociale trop faible : retraites, assurance-maladie, … sont insuffisantes. La conséquence macro-économique, dénoncée depuis des lustres par la Banque Mondiale, en est l’excès d’épargne privée car le Chinois moyen doit prévoir les coups durs quand il le peut. Mais là encore, en période de crise, son comportement de fourmi est un avantage !

Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse et conclure que la Chine sortira indemne de la crise : le choc est violent, les entreprises petites et moyennes vont souffrir, le chômage augmente parmi les travailleurs du secteur privé qui est aussi le plus dynamique. Même si le marché intérieur chinois recèle un grand potentiel de développement, les entreprises exportatrices se trouvent confrontées à la chute des marchés mondiaux et l’exportation, bien que sa part dans le PIB chinois ait diminué, en représente encore environ 20%. Le grand souci du gouvernement est de leur venir en aide. Cependant, les amortisseurs de l’économie chinoise que nous avons rappelés lui permettent de n’être pas au bord du précipice. La Chine pourrait concentrer son aide sur les PME méritantes, celles susceptibles de rebondir après la crise. Elle peut accélérer sa mutation technologique. Elle peut éviter de répéter l’erreur du plan de relance massif de 2009 (plus de 600 milliards de USD) qui a certes soutenu la conjoncture mais a durablement endetté le pays. Elle peut rééquilibrer la structure de son économie, misant plus sur la consommation intérieure que sur les investissements dispendieux et parvenir à une croissance saine. Le gouvernement chinois se trouve confronté à des choix parfois cornéliens, sans oublier qu’à terme il faudra bien corriger les défauts rappelés. Il ne sera pas facile de faire toujours les bons, mais au moins il en a la possibilité. Par les temps qui courent, c’est déjà un luxe.

 

André CHIENG
Président Directeur général de l’Asiatique Européenne de Commerce (AEC)

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