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Les Investissements Directs Etrangers en 2021

Date de la brève : 04 février 2022

Évaluation de la CNUCED – Janvier 2022

 

Résumé :

La CNUCED vient de publier son évaluation des Investissements Directs Étrangers en 2021. Son rapport annuel sur le sujet devrait sortir en juin 2022. Il s’agit donc de données préliminaires, avec une extrapolation des derniers mois. Plusieurs constats.

Un fort rebond des investissements Directs Étrangers (+35 %) comparé à 2020, en hausse même par rapport à 2019 (+10 %). Rebond qui concerne au premier chef les États-Unis qui redeviennent la première destination d’IDE. Mais les pays développés reçoivent dorénavant moins d’IDE que les pays en transition et en développement. L’augmentation s’explique très largement par les fusions/acquisitions et opérations intra-groupe (+ 50 %) et non par l’annonce de nouveaux investissements, ceux-ci demeurant inchangés par rapport à l’année dernière et en baisse de près de 30 % par rapport à 2019.

Les investissements productifs régressent de près de 50 % sur une année et de 75 % par rapport à 2021. Seules les NTIC tirent leur épingle du jeu. Europe et Afrique restent à la traîne.

 

***

 

Une forte hausse des flux d’IDE

La CNUCED vient de diffuser une première estimation des flux d’investissements directs étrangers (FDI) en 2021.

Déjouant les prévisions d’un rebond progressif des IDE qui ne devaient retrouver leur niveau de 2019 qu’en 2022, les récentes évaluations de la CNUCED montrent que le niveau de 2019 a été non seulement retrouvé dès 2021, mais dépassé.

Les investissements directs étrangers avaient plongé en 2020 de 35 % en passant de 1500 à 1000 milliards de dollars. En 2021, ils sont estimés à environ 1650 milliards de dollars, soit une hausse de 65 % par rapport au creux de la pandémie et de 10 % sur 2019. Ils se situent au niveau de 2017 sans toutefois renouer avec les pics antérieurs, signe d’un infléchissement de la mondialisation.

Cette baisse tendancielle touche surtout les pays développés et il est donc probable que 2021 constitue un rattrapage, non une reprise durable.

Flux des IDE (en milliards de dollars)

  2015   2019   2020   2021
Monde développé   1267   752   260   777
Monde en développement   730   721   669   870

La hausse est due essentiellement aux États-Unis qui redeviennent la première terre d’accueil des IDE avec 323 Mds de $, dont 90 % environ relèvent de fusions acquisitions, et à la Chine qui repasse en seconde position avec 179 milliards de dollars (+20 %).

L’Union Européenne reste poussive (165 Mds$ soit +8 % par rapport à 2020) avec le tiers seulement des IDE reçus en 2019 ; la quasi-totalité des IDE sont des fusions-acquisitions et, ceux- ci déduits, les IDE sont de moins de 50 milliards de dollars, le tiers de la Chine. L’Europe pèse aujourd’hui 10 % des IDE mondiaux contre 20 % pour les États-Unis, 11 % pour la Chine et 12 % pour l’ASEAN. En 2019, sa part était de 30 %, celle des États-Unis de 18 % et de l’ASEAN de 12 %.

L’Afrique subsaharienne enregistre une forte augmentation en raison d’une opération financière interne à la firme sud-africaine NASPERS. Sans ce swap d’actions de 46 Mds$ avec une filiale néerlandaise, ce sont 42 Mds de $ d’IDE reçus en 2021, en hausse de 45 % par rapport à 2020 et de 31 % à 2019. La part de l’Afrique dans les flux mondiaux s’établit à 5,3 % et à 2,6 % sans le swap contre 2,2 % en 2019 et 3,1 % en 2020. Bien que les chiffres se soient notablement améliorés, l’Afrique reste à la traîne, elle n’attire que 3 % des investissements nouveaux et 4,5 % des financements de projets.

 

Importance des opérations financières et faiblesse des investissements productifs

L’impression d’un rebond de l’investissement doit être corrigée par le poids des opérations de fusions/acquisitions ou intra-groupes qui avaient été suspendues en 2020 et ont pu se dénouer en 2021. L’essentiel de ces opérations est effectué aux États-Unis (les 2/3) et en Europe (un quart). Après avoir baissé de 10 % en 2020, elles ont rebondi de 58 % en 2021 pour atteindre 614 Mds de $ pour 777 Mds d’IDE dans les pays développés et 45 % des IDE mondiaux contre 34 % en 2019.

Les fusions/acquisitions ne se traduisent pas – au moins dans l’immédiat – par une amélioration des capacités de production, mais par des restructurations financières. Le rétablissement des IDE s’accompagne ainsi paradoxalement d’une régression des investissements productifs qui ne représentent en 2021 que la moitié de ceux annoncés en 2020 et le quart de ceux de 2019.

Les nouveaux investissements (greenfield) annoncés en 2021 (qui prendront du temps pour se traduire en décaissements et en capacités de production) sont en hausse de 7 % mais restent en deçà de 2019 : 610 contre 846 milliards de $, soit une diminution de 28 %. Seuls les secteurs des NTIC, de l’électronique et, accessoirement, de la pharmacie, font mieux en 2021 qu’en 2019.

Les financements internationaux de projets, qui avait baissé d’un tiers en 2020, reprennent des couleurs et font mieux qu’en 2019 (35 %) grâce aux énergies nouvelles qui représentent près de la moitié, loin devant les hydrocarbures (14 %) et l’immobilier (15 %). Les infrastructures de transports (4 %), l’eau et l’assainissement (0,5 %) sont les parents pauvres.

L’impression qui se dégage de ces chiffres est d’abord celle d’une économie mondiale dont la financiarisation se poursuit et dans laquelle les économies émergentes renforcent leur attractivité. La seule Asie de l’Est attire le tiers des IDE mondiaux, plus que les États-Unis et l’Union européenne ensemble, près du double si l’on défalque les opérations financières.

Les investissements susceptibles de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) ont dramatiquement baissé : 30% des montants de 2019 et 40% de ceux de 2020. La moitié des 3,8 milliards va au secteur des télécommunications, le cinquième aux énergies nouvelles tandis que l’agriculture et l’alimentation ne reçoivent que le dixième des sommes de 2019, la santé 40% et l’éducation le vingtième.

Cela semble un peu mieux pour les ODD concernés par les financements de projets internationaux qui font un saut de 50% mais principalement en raison d’un gros projet d’énergies nouvelles. Hormis ce type de projets qui accaparent 90% des financements de projets, la chute est rude : division par 20 des montants apportés par les financements internationaux de projets.  La même remarque peut être faite pour les investissements productifs qui sont affectés à 98 % au secteur énergétique et 1,3% aux transports.

Serge DEGALLAIX, Directeur général de la Fondation Prospective et Innovation

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