Date de la brève : 15 décembre 2023
Le très attendu rapport PISA 2023 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) a été dévoilé le 5 décembre. Lancé en 1997 par les ministères de l’Education des pays membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), la première édition de ce rapport remonte à 2000. Depuis, un rapport PISA est publié tous les trois ans (exception faite en 2021 en raison de la crise sanitaire) afin de recueillir une source régulière de données sur la performance des systèmes éducatifs et de classer ces derniers dans trois domaines que sont les mathématiques, les sciences et la compréhension de l’écrit dans la langue nationale parmi 85 pays, dont les 38 Etats membres de l’OCDE. A chaque édition, l’un de ces trois thèmes est mis à l’honneur : en 2023, il s’agit des mathématiques, à l’instar de l’édition de 2012. Dans cette perspective, PISA évalue la capacité des élèves à appliquer leurs connaissances scolaires à des situations de la vie réelle et cible en particulier les élèves de quinze ans, indépendamment de leur classe. Il est bon de rappeler que les tests PISA reposent également sur deux autres caractéristiques, à savoir qu’ils ne tiennent pas compte des programmes scolaires et qu’ils sont pensés pour être compréhensibles par les autorités comme le grand public.
La France enregistre une baisse des performances de ses élèves inédite depuis 2000. Le pays a chuté dans le classement général, atteignant seulement la 23e place avec 46 points de moins dans son score global (1435) par rapport à 2018, et celui-ci dépasse à peine la moyenne de l’OCDE (1433). Le plus net recul est visible dans le domaine des mathématiques (-21 points), la plaçant au 26e rang mondial, alors que la France est pourtant la septième puissance mondiale, et reste ainsi très légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (472). La France recule également de 19 points en compréhension de l’écrit. Il convient de préciser que le poids des origines sociales est important dans ces domaines car les élèves issus de milieux aisés se démarquent par de meilleures performances dans ces deux champs.
Au regard de ces résultats, le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, s’est exprimé pour dévoiler une série de mesures visant à redresser le niveau global des élèves français. Cette réaction prompte témoigne d’une volonté du gouvernement d’infléchir la tendance au plus vite. Cependant, la lecture de ces données doit se faire en tenant compte des conséquences néfastes de la pandémie de Covid-19, auxquels aucun pays n’a pu se soustraire. Selon la Banque mondiale, la désorganisation des sociétés et des économies et l’éloignement temporaire des classes induits par la crise ont eu un impact sans précédent sur l’éducation à travers le monde, alors que ce secteur était déjà en difficulté.
Par ailleurs, la Fondation Prospective & Innovation a réalisé trois cartes à partir des données tirées du classement PISA 2023 pour mettre en lumière la « compétition mondiale des savoirs », à laquelle sont associés des enjeux géopolitiques. Les tests labellisés PISA imposent une norme mondiale d’évaluation des systèmes éducatifs depuis les années 1990. Si au départ elle était accueillie avec méfiance, l’étude est par la suite devenue incontournable, à tel point qu’elle est dorénavant intégrée dans les politiques éducatives des pays participants. En conséquence, les pays participant à cette étude ont la possibilité de se comparer entre eux. Or, un bon classement PISA se traduirait par des perspectives de croissance prometteuses pour l’avenir et notamment une hausse du PIB, comme le soulignait une étude de l’OCDE datant de 2010. Le classement PISA s’apparente ainsi à une mesure de la future prospérité d’un pays et à une stratégie de marketing très efficace à l’ère de la mondialisation.
Nous pouvons d’ailleurs vérifier cette hypothèse en superposant les cartes PISA avec celle du PIB par habitant datée de 2022. A l’exception des pays du Golfe, les pays et régions enregistrant les PIB par habitant les plus élevés (l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Amérique du Nord, l’Europe du Nord, les quatre dragons d’Asie et le Japon) occupent les premières places du classement PISA. En outre, les cartes PISA permettent de constater les disparités économiques et sociales récurrentes en Europe, à la fois entre le Nord et le Sud d’une part, et l’Ouest et l’Est d’autre part. Enfin, les Etats d’Asie de l’Ouest et du Sud-Est ainsi que sud-américains présentent les résultats les plus faibles de l’étude. Or ces pays sont depuis longtemps confrontés à des défis socio-économiques auxquels ils peinent à apporter des solutions durables.
Toutefois, les résultats PISA sont à interpréter avec prudence car l’enquête ne cherche pas à mesurer la capacité des élèves à maîtriser leur programme scolaire, mais celle à mobiliser des connaissances et des aptitudes pour leur vie future. Le classement PISA se focalise donc davantage sur la compréhension globale des concepts, plutôt que sur l’accumulation de connaissances spécifiques. Cette approche est susceptible de pénaliser certaines méthodes pédagogiques comme la construction « par briques » d’un savoir, et rien ne permet de conclure à la supériorité d’une méthode sur l’autre. Néanmoins, ces remarques ne doivent pas éclipser le fait que les meilleurs résultats sont obtenus dans des aires culturelles très différentes, que ce soit en Asie du Nord-Est, en Amérique du Nord ou encore en Europe du Nord.
A cela s’ajoute la nécessité de mettre en perspective le classement PISA avec d’autres indicateurs de la compétition mondiale des savoirs, tels que le classement de Shanghai entre grandes universités, le nombre de publications scientifiques par pays et le nombre d’étudiants étrangers accueillis. Dans le Top 30 du classement de Shanghai publié en 2023, l’université Paris-Saclay se hissait ainsi à la 15e place. En 2022, le classement de Leiden témoignait aussi de la reconnaissance du potentiel scientifique français au niveau international en plaçant la France au 9e rang mondial dans le Top 500 des meilleurs établissements. En termes de publications scientifiques, la France occupait également la 10e position dans le monde. Enfin, en 2020, la France était le 6e pays d’accueil pour la mobilité estudiantine sur le classement mondial, avec 252 444 étudiants en mobilité diplômante, soit 4% des 6,3 millions des étudiants internationaux dénombrés. Une tendance encore à la hausse puisque la France en comptait 400 026 en 2021-2022.
Pour aller plus loin :
Samuel EVENO et Emile DERIEUX, chargés de mission
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