Date de la brève : 19 avril 2024
À l’initiative éclairée du Président de la Commission Juncker, il y a tout juste huit ans, puis complétée par la Présidente Von der Leyen en quête d’une « mission géopolitique », la Commission européenne s’est dotée de plusieurs programmes de défense (Fonds européen de défense…) et vient de présenter une nouvelle stratégie industrielle en matière de défense qui vise à consolider toutes les premières « briques » existantes et à donner une vision plus long terme, intégrant aussi le conflit aux portes de l’Europe.
La Commission européenne vient tout juste de présenter un instrument qui vise à la mise en place d’un programme européen pour l’industrie de la défense (PEID) de façon à assurer la disponibilité et la fourniture des produits de défense, doté d’un budget de 1,5 milliards d’euros pour la période 2025-2027. La Commission invite les États membres à investir davantage ensemble dans des équipements européens. Ce nouvel instrument complète deux précédents programmes : l’EDIRPA pour soutenir les Etats dans la phase d’acquisition et le programme ASAP pour soutenir la capacité de production (des munitions dans un premier temps). Cet instrument aura aussi pour objectif d’industrialiser les produits développés par la recherche communautaire. Ce nouveau programme permettra aussi de créer un Fonds pour l’accélération de la transformation des chaînes d’approvisionnement, et veillera à soutenir notamment les PME. La compétitivité du secteur et des régions tournées vers l’industrie de défense demeure un axe prioritaire.
La Commission souhaite que les États membres expriment leur demande de défense collective en utilisant davantage les outils déjà existants : le plan de développement des capacités (PDC), l’examen annuel coordonné en matière de défense (EACD) et la coopération structurée permanente (CSP). Dans ce contexte, les États membres seront encouragés à coopérer au cours de la phase d’acquisition de capacités de défense, ainsi qu’à améliorer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) en développant des technologies de pointe. Dans ce cadre, les industriels sont aidés par le Fonds européen de défense (doté à hauteur de 8 milliards d’euros). A ce titre, la Banque Européenne d’Investissement (BID) qui avait montré de l’indifférence, pour ne pas dire un peu d’hostilité, à l’égard des industries de défense devrait réviser sa position cette année. Pour aller plus loin, ce programme envisage la possibilité de développer des projets importants d’intérêt européen commun (PIEC) tels que développés depuis quelques années pour favoriser l’émergence de l’hydrogène notamment dans le marché intérieur.
Considérant la situation préoccupante en Ukraine, la Commission européenne a su réagir très tôt en développant non seulement des actions d’aide humanitaire, mais aussi de nouveaux moyens pour la défense ukrainienne en les invitant à participer directement aux nouvelles initiatives européennes. Outre le soutien financier de l’Union (50 milliards d’euros), cette coopération pourra s’appuyer sur les actifs russes immobilisés (sous réserve d’une solution juridique validé par le Conseil).
En complément de sa dimension budgétaire, ce nouveau programme propose la mise en place d’un cadre juridique pour structurer le programme d’armement européen, ainsi qu’un régime de sécurité de l’approvisionnement en équipements de défense. Enfin, le PEID propose de mettre en place un « conseil de préparation industrielle dans le domaine de la défense », qui est encore un « objet non identifié », mais qui se veut être une nouvelle structure de gouvernance avec les Etats membres.
Bien que dans un contexte de conflit aux portes de l’Europe, certains se hâtent de montrer que des Etats de l’UE continuent de passer leurs commandes militaires en dehors de l’UE. Aussi, la Commission veut inciter les États à acquérir au moins 40% des équipements de défense de manière collaborative d’ici 2030, et elle souhaite que la valeur des échanges commerciaux intra-UE représente au moins 35% de la valeur du marché de la défense de l’Union. L’exécutif communautaire souhaite voir augmenter les achats d’équipements de défense pour qu’au moins 50% du budget qui y est consacré soit dépensé dans l’Union à l’horizon 2030.
Cette nouvelle politique de l’Industrie de défense aurait dû se déployer sans conflit en Europe, et nous aurions vu des progrès se réaliser pas à pas… Cette guerre, loin des missions ponctuelles en Afrique par exemple, a accéléré la prise de conscience collective, et la nécessité de renforcer notre action dans ce domaine, ainsi que de sécuriser en particulier les chaînes d’approvisionnement. La Commission avance à pas pressés sur ce terrain ; attention de ne pas trébucher et de respecter la coopération intergouvernementale et les outils déjà existants.
Pour aller plus loin :
Antoine FERAL, Conseiller du Commerce Extérieur, Union Européenne
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