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Etat des lieux de la démocratie dans le monde

Date de la brève : 09 septembre 2022

L’indice de démocratie, créé en 2006 par The Economist Group, permet de suivre, année après année, les avancées et les reculs de la démocratie dans le monde. Le constat fait en 2021 n’est pas très rassurant : la démocratie est à la peine dans le monde. Le caractère plus ou moins démocratique d’un Etat est déterminé par cinq batteries de 60 critères. Démocraties pleines ou imparfaites, régimes autoritaires ou hybrides sont ainsi distingués. Le mode de notation est sujet à critique car il ne reflète pas toujours les réalités de terrain mais c’est un indicateur utile.

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La démocratie recule dans le monde

En 2021, le score moyen mondial de démocratie n’a jamais été aussi bas. En 2006, 82 pays étaient considérés comme des démocraties (28 démocraties pleines et 54 démocraties imparfaites) et 85 pays comme des régimes non démocratiques (55 régimes autoritaires et 30 régimes hybrides). En 2021, seulement 74 pays sont des démocraties (dont 21 démocraties complètes et 53 démocraties imparfaites) et 93 pays ne le sont pas (59 pays à régimes autoritaires et 34 pays à régimes hybrides). Ainsi, en 2021, seuls 6.4% de la population vivent dans un pays pleinement démocratique alors que 37% de la population est sous la coupe de régimes autoritaires. En 2021, huit démocraties ont disparu en comparaison avec 2006, une majorité en Amérique latine. Par ailleurs, sur les sept pays déclassés au rang de démocratie imparfaite entre 2006 et 2021, tous excepté les États-Unis, se situent en Europe (Portugal, Tchéquie, Malte, Grèce, Belgique, Espagne), pourtant considéré comme le berceau de la démocratie.

 

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Les bouleversements du XXIᵉ siècle

En 2008, dans l’ensemble du monde, excepté au Moyen-Orient, la crise des sub-primes s’accompagne d’une dégradation de l’indice. Les milieux politiques extrémistes en Europe de l’Ouest mais aussi aux États-Unis saisissent l’opportunité du sentiment anti-immigration et rognent les libertés civiles. Le stress socio-économique fragilise les régimes comme en Amérique latine.

En 2011, le printemps arabe apporte une vague d’espoir démocratique avec une évolution positive entre 2010 et 2012 (de 3.43 points à 3.73 points) pour la zone du Moyen-Orient et Afrique du Nord (Tunisie) mais cette contestation ne dure pas.

Le rapport de 2020 intitulé « Global democracy has a very bad year » relève que 70% des pays subissent une diminution de leur score. Les mesures prises en réaction à la pandémie ont ouvert un espace à l’« extension du pouvoir de l’État et à l’érosion des libertés individuelles ». Le scepticisme lié au vaccin, plus élevé dans certains pays que d’autres, témoigne du peu de confiance de la population envers le régime politique et ses dirigeants (en Europe de l’Est notamment passant de 5.42 points à 5.36 points). L’Afrique subsaharienne, dont la moitié des pays sont des régimes autoritaires, a été particulièrement touchée par l’impact de la pandémie, mais est aussi en proie à la détérioration des processus électoraux, du pluralisme et de la culture politique ainsi qu’à une atteinte aux libertés civiles.

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La démocratie à l’épreuve en Amérique et en Europe

Dans le monde occidental, en Europe et aux États-Unis, le recul démocratique se traduit par un manque de démocratie participative populaire, une montée en puissance de dirigeants non élus au sein des institutions, un écart marqué entre le pouvoir politique et les électeurs ainsi qu’une atteinte aux libertés civiles. En 2016, les États-Unis rétrogradent de démocratie complète à démocratie imparfaite. Cette régression est notamment le résultat d’une perte de confiance progressive de la population dans ses institutions et d’une polarisation de l’opinion.

Sur le Vieux continent, un net écart existe entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale qui n’a jamais depuis 2006 décollé de son score initial faible, de 5.76 points.

La Hongrie enregistre une régression progressive avec la perte d’un point sur son score annuel, entre 2006 et 2021. Résultats d’une faible culture politique et d’institutions jugées insuffisamment transparentes.
La Russie est cataloguée régime autoritaire depuis 2011 après les élections contestées du 4 décembre 2011 et la violente répression ayant suivie.

 

La France mal jugée

La France est classée démocratie pleine avec des déclassements en 2006, 2008 puis en 2015 et 2019. L’équilibre entre les pouvoirs et le manque de participation politique en sont des explications. En 2020, elle perd à nouveau le rang de démocratie pleine en raison d’une gestion jugée mauvaise de la pandémie mondiale et des mesures coercitives prises par le gouvernement. La qualification de « démocratie défaillante » paraît abusive car les choix ont été faits en considération de la protection de sa population et non de l’illibéralisme politique.

L’Allemagne n’a jamais quitté le rang de démocratie pleine et malgré une baisse de son score au début des années 2010, due à un manque de participation politique et à des dysfonctionnements au sein du gouvernement, le pays parvient à maintenir un niveau de démocratie satisfaisant.

Le Royaume-Uni, démocratie pleine depuis 2006, a subi une nette dégradation en 2020 et 2021. Affaiblie par le Brexit, critiquée pour sa gestion chaotique de la crise sanitaire, le pays se rapproche des démocraties défaillantes. L’accent porté sur les politiques culturelles entraîne un tournant de plus en plus autoritaire, portant atteinte aux droits des minorités, des libertés civiles et à l’État de droit.

Enfin, l’Italie, en proie à un parlementarisme miné par la disparition de partis forts et structurés ainsi qu’à la précarité des exécutifs, ne dépasse pas le rang de démocratie défaillante.

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L’Asie, valse-hésitation

L’Asie est le seul continent à avoir amélioré son score entre 2006 et 2021, avec une évolution positive entre 2006 et 2016 mais subit depuis 2017 une régression de son score, dû notamment à la situation en Afghanistan et au Myanmar.

La Chine, n’ayant jamais quitté le statut de régime autoritaire avec notamment un score nul dans la catégorie « pluralisme et élections politiques » et 0,88 points en « libertés civiles », a atteint un score de 2.27 points en 2020 suite à sa politique zéro-Covid.

Quant à l’Inde, catégorisée démocratie imparfaite depuis 2006. Elle a perdu un point entre 2014 et 2021, avec la politique de discrimination envers les musulmans et la mauvaise gestion de la pandémie. Malgré cette politique de domination culturelle et idéologique de l’hindouisme, une légère amélioration entre 2020 et 2021 est à souligner, avec une meilleure gestion des élections et la victoire de partis d’oppositions dans certaines régions.

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L’Amérique latine recule

L’Amérique latine connaît une forte baisse d’une année sur l’autre en 2020 et 2021 et la rétrogradation de cinq pays de la région. Les lacunes de culture politique manifestées dans la gestion de la pandémie par les gouvernements est l’une des raisons de ce déclin. Le manque d’appropriation et d’identification à la culture démocratique se constate aussi avec des mouvements illibéraux populistes qui ne font que grandir dans la région.

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L’Afrique, terre de contrastes

Enfin, concernant le continent africain, certains pays tel que le Nigeria, présentent des scores encourageants passant de 3.76 points en 2014 à 4.62 points en 2015, devenant un régime hybride grâce à la première passation de pouvoir pacifique entre deux Présidents depuis l’indépendance de 1960. Avec 7.05 points en 2021, l’Afrique du Sud s’est maintenue au rang de démocratie imparfaite. Si 97% des électeurs sud-africains approuvent le déroulement du processus démocratique, démontrant une installation durable de la culture démocratique, les défis socioéconomiques auxquels le pays doit faire face sont encore nombreux et la corruption généralisée (State Capture). Enfin, le Burkina Faso, redevenu un régime autoritaire depuis 2020, connaît une situation sécuritaire préoccupante, des groupes djihadistes voulant prendre le contrôle de l’ensemble du territoire et menaçant l’existence même de l’État.

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Ce que l’on peut retenir de cet indice est le constat d’une avancée démocratique en demi-teinte, mettant en lumière cette lutte continuelle d’un modèle reposant sur un équilibre aussi fragile que précaire. Si la démocratisation peine à s’ancrer dans certaines régions du monde, peut-être faut-il percevoir autrement ce modèle occidental, récusé comme un modèle universel unique, par une bonne partie du monde. C’est une des faiblesses du calcul de l’indice qu’une trop grande uniformisation des critères à côté de l’obscurité quant aux procédés de recueil de l’information, qui aboutissent à une appréciation parfois discutable. Mais, l’indice a le grand mérite d’offrir une boussole qui permet de mesurer les déviances et ainsi les risques que peuvent encourir la démocratie et les libertés publiques. Le constat est aujourd’hui préoccupant dans la plupart des régions.

 

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Note : Elaboré en 2006 puis reconduit en 2008 et 2010 avant d’être publié annuellement, l’indice fonde son analyse sur cinq catégories de critères : processus électoral, pluralisme, libertés, fonctionnement du gouvernement, participation et culture politique. Ils sont établis à partir de 60 indicateurs permettant d’établir une note sur 10. Quatre types de régimes politiques sont distingués dans le monde : régime autoritaire, régime hybride, démocratie imparfaite et démocratie pleine.

Classement par région du score moyen annuel – rapport The Economist de 2021 :

 

Pour aller plus loin : 

Note de lecture : « La grande expérience, les démocraties à l’épreuve de la diversité » – Yascha Mounk

Forum annuel : Retrouvez les replays du Forum du Futuroscope 2022

Marie GUILLOTIN, Chargée de mission à la Prospective et Innovation

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