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Le financement de la transition énergétique en Afrique

Date de la brève : 10 novembre 2022

La pression climatique et l’urgence de recourir à des sources d’énergie plus propres concernent toutes les régions du monde, l’Afrique y compris, bien que les émissions carbone du Continent – qui regroupe un cinquième de la population mondiale – sont estimées à 4 % des émissions mondiales de CO2 tandis que la part de ses sources d’énergie fossile dans le mix énergétique ne dépassaient pas 46 % en 2020.

En fait, si l’implication africaine dans le désastre climatique demeure « modeste », elle doit nécessairement poursuivre sa transition car elle demeure la zone la plus exposée aux risques climatiques, la moins préparée, la moins résiliente et risquerait de subir de plein fouet les aléas météorologiques (pauvreté hydrique, précipitations irrégulières, désertification, avancée du Sahel, etc.).

Le Continent dispose d’atouts énergétiques majeurs (solaires, hydriques, éoliens, géothermiques, gaz naturel, minéraux rares…), mais, au-delà de la transition énergétique en cours, il est important d’instaurer une résilience climatique efficace et durable. Résilience climatique qui pourrait être source de rendement et de soutien à la croissance économique que connaît le Continent ces dernières années (la croissance du PIB de l’Afrique a été estimée à 6,9 % en 2021 et représente un fort rebond après la contraction de 1,6 % en 2020 causée par la COVID-19).

Les engagements internationaux se trouvent confrontés à un manque de moyens de la plupart des pays africains tant les défis sont colossaux. L’accès à une énergie verte est encore conditionné par de nombreux enjeux (densité à couvrir, manque criant d’infrastructure, demande énergétique accrue, système et outils obsolètes, réseaux dégradés, pannes récurrentes, baisse de tensions…). De manière globale, on estime à 50 milliards de dollars par an jusqu’en 2050 le coût d’adaptation du continent au changement climatique. Force est de constater que l’aide de la communauté internationale est indispensable pour éviter de prendre du retard sur le calendrier.

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1. États des lieux des énergies en Afrique : rediriger la dépendance aux combustibles fossiles

Le Continent Africain dispose de nombreuses ressources mais reste encore bien trop dépendant à ses combustibles fossiles (Brève : « Matières premières et décollage de l’Afrique« ).
Pour rappel, dans le classement des pays africains producteurs de pétrole, le Nigéria se situe en tête avec une moyenne de 2 millions de barils/jour, suivi de près par l’Angola (1,7 million de barils/jour), l’Algérie (1,6 million de barils/jours) et la Lybie (852 000 barils/jours). La production de gaz naturel – qui pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre – est largement dominée par l’Algérie avec 80 milliards de m3, suivi de l’Egypte (50 milliards de m3), et du Nigéria.

En termes de consommation, le pétrole est l’énergie primaire la plus consommée suivi du gaz naturel avec une part de près de 30%, puis du charbon (21%). A titre de comparaison, l’énergie solaire est l’une des ressources les plus abondantes sur le Continent ; le Tchad, l’Egypte et le Kenya bénéficient d’une irradiation supérieure à 2000KWh/m2. Il en est de même pour les réserves d’énergie hydrique qui sont estimées à 1 100 TWh2, mais dont seulement 8 % sont exploitées. Or, la transition vers une énergie moderne verte permettrait de créer des dynamiques, des diversifications de production, de commerce, et de réduction des inégalités. Les aspirations africaines en termes de développement sont ainsi étroitement corrélées à sa transition énergétique.

Pour ce faire les gouvernements africains qui ont adhéré aux engagements internationaux en faveur de la transition écologique (l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, Programme de développement durable à l’horizon 2030, Accord de Paris…) se doivent d’orienter leurs stratégies nationales en ce sens.

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2. Mobilisation des financements destinés à la transition énergétique

La COP27 qui aura lieu à Charm el-Cheikh en novembre 2022, sera l’opportunité pour les pays africains d’identifier les outils nécessaires pour accompagner leur transition et remédier à l’inadéquation des systèmes de financement par rapport aux besoins.

A ce sujet, Lionel ZINSOU, rapporte au Financial Afrik que la principale difficulté réside dans « la lenteur des montages financiers des projets renouvelables qui peuvent s’étaler sur quatre ans alors que le déploiement technique se fait en 6 mois. Ces lenteurs réduisent l’avantage comparatif des prix relatifs des énergies renouvelables comparés aux importations des hydrocarbures ».

A cela s’ajoutent les perturbations liées à la COVID-19, au conflit russo-ukrainien, mais également les freins liés à l’environnement politique, aux risques techniques, juridiques, réglementaires, aux complexités des procédures administratives… Il est ainsi primordial que les gouvernements Africains instaurent un cadre propice aux partenariats permettant un rendement du marché vert.

Sur la période 2020-2030, la BAD estime à 1 600 milliards de dollars les fonds nécessaires pour une adéquation du Continent au changement climatique. Les coûts d’adaptation à eux seuls sont estimés entre 259 et 407 milliards de dollars. Au cours de cette même période, les montants cumulés des ressources par secteur sont les suivants : entre 9 et 14 milliards de dollars pour l’agriculture, 6,7 à 10,6 milliards de dollars pour l’eau et l’assainissement et 4,48 à 7 milliards de dollars chacun pour la santé, l’énergie, la biodiversité et les écosystèmes.

Comme le relaie l’OCDE, en 2020, les pays développés ont mobilisé 83,3 milliards de dollars à destination des pays en développement pour leur transition. Le financement privé reste modeste (13,1 milliards de dollars), tandis que le financement public représente la plus grosse part (68,1 milliards de dollars). Sur ce total, 71 % ont pris la forme de prêts, 26 % celle de dons et 2 % celle de prise de participation.

Les financements des projets à faibles émissions ont augmenté ces dernières années mais l’Afrique attire toujours moins de 5 % des investissements énergétiques mondiaux. Un paradoxe subsiste : de manière générale, très peu de projets font preuve de viabilité financière, de rendements réalistes et de garanties suffisantes. Le constat suivant s’impose : il y a finalement plus de financement que de projet de qualité.

Autre point non négligeable : la population est très inégalement répartie sur le Continent, et, selon la Banque mondiale, ces 10 dernières années, 90 % des investissements privés dans les infrastructures énergétiques allaient à seulement 10 pays, dont 40 % à l’Afrique du Sud.

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3. Recensement de quelques initiatives internationales

1- L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) et le Fonds d’Abou Dabi pour le développement (ADFD) se sont associés pour faire naitre leur plateforme nommée Project Facility. Cette dernière a pour objectif d’aider les pays en développement à lever des fonds. Ce dispositif a permis de rassembler un cofinancement à hauteur de 567 millions de dollars et d’octroyer 350 millions de dollars en prêts concessionnels.

2- Le Fonds européen pour le développement durable (FEDD) est un « guichet unique » qui regroupe un large éventail de financements à destination de projets dans les énergies renouvelables à destination des projets africain majoritairement. Il s’élève à 2,6 milliards d’euros et se distingue par ses deux piliers : la garantie du FEDD qui a pour objectif de mobiliser des financements complémentaires et le Fonds de garantie du FEDD qui fournit les liquidités nécessaires.

3- GET.Invest : lancé en 2018, le programme européen agit en faveur des énergies renouvelables décentralisées. La base de données permet de relier les instruments de financements pour faciliter l’accès des projets aux financement adéquats (une large gamme y réside). On y retrouve une quarantaine d’outils qui regroupe près de 6 milliards d’euros destinés aux financements de solutions énergétiques sans danger pour le climat. Les contributions proviennent essentiellement des Institutions de l’Union européenne ainsi que des États membres.

 

Pour aller plus loin :

Brève d’information – « Matières premières et décollage de l’Afrique »

REPLAY – « La COP27 : Quels enjeux pour l’Afrique ? Quel rôle pour le secteur privé ? »

 

Océane HAZOUME, Chargée de mission, Fondation Prospective et Innovation

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