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Rapport de l’OCDE et l’Aide Publique au Développement en 2022

Date de la brève : 28 avril 2023

Résumé

Dans sa newsletter du 21 avril 2022 sur l’aide au développement, FPI avait donné une brève analyse des chiffres de l’Aide Publique au Développement (APD) de 2021, publiés par l’OCDE le 12 avril 2022.

En 2021, les montants en valeur absolue atteignaient 180 milliards de dollars, un record absolu. Cette impression de forte progression devait toutefois être nuancée :

  • En % du PIB des pays industrialisés, l’APD stagnait à 0,33 %, sans se rapprocher de l’objectif historique de 0,7 % ;
  • Une part grandissante est absorbée par le coût des réfugiés dans les pays d’accueil, l’aide humanitaire, le soutien à la lutte anti-COVID et d’autres dépenses à caractère social, nécessaires mais qui obèrent les moyens à consacrer à la création de richesses et donc à l’élévation du niveau de vie et la prévention de certaines des causes de l’action humanitaire ;
  • La transition écologique devait faire l’objet de concours additionnels au profit du Sud (100 milliards de dollars annoncés à la COP de Copenhague en 2009), on n’en voyait guère la trace dans les statistiques.

L’OCDE vient de publier les chiffres préliminaires de l’APD de 2022. Elle s’est élevée à 204 milliards de dollars, une augmentation de 24 milliards, soit 13,6 % et un ratio APD/PIB passé de 0,33 % à 0,36 %.

Il s’agit là de chiffres impressionnants mais qui, comme ceux de 2021, sont à regarder de plus près.

 

Le poids croissant des dépenses à caractère humanitaire

Les statistiques d’Aide Publique au Développement intègrent les coûts internes des pays de l’OCDE pour l’accueil des réfugiés, ainsi que ceux relatifs à l’assistance humanitaire. Les sommes en cause ne cessent de croître.

Les coûts d’accueil des réfugiés sont, en 2022, de 29,3 milliards de dollars contre 12,8 en 2021. Cette augmentation de 16,5 milliards explique près de 70 % de la hausse de l’APD globale des pays de l’OCDE.

L’aide humanitaire stagne (+ 1 %), une partie (9 %) étant affectée à l’Ukraine.

 

Tableau 1 : Aide humanitaire

2022 2021 Hausse
En mds de dollars En mds dollars En %
Réfugiés 29,3 12,8 16,5 + 56
Humanitaire 22,3 22,1 0,2 + 1
Dont Ukraine (1,8)
Total 51,6 34,9 16,7 + 48

 

Si l’on soustrait à l’aide apportée en 2022, 34.5 Mds de dollars (correspondants à l’aide aux réfugiés, l’aide humanitaire et l’aide économique à l’Ukraine), l’APD vis à vis du reste du monde s’est contractée en 2022 de près de 9 milliards de dollars, soit de 5%.

Cette baisse ne touche pas seulement l’aide bilatérale mais aussi les financements apportés aux Institutions Multilatérales de Développement, dont la part dans l’APD occidentale tombe à 25 % (52 milliards) contre un peu moins de 30 % naguère.

À relever également la montée des dettes bilatérales qui représentent 10 % de l’APD occidentale (élément-don). 60 % de l’aide japonaise est sous forme de crédits, 30 % pour la Corée et 22 % pour la France. Le volume des prêts des Institutions européennes a plus que doublé en un an (+110%) pour représenter le quart de leur aide au Sud, calculée en équivalent-don.

 

L’Ukraine, bénéficiaire de l’accroissement de l’aide européenne

L’APD des pays européens s’élève à 91,6 milliards de dollars, en croissance de 18,6 % sur un an. Elle représente 0,57 % de leur PIB, près de 30 % de l’APD totale de l’OCDE, près du double de l’aide américaine. L’Allemagne est de loin le premier contributeur (40 %) devant la France (17,3 %), l’Italie et les Pays-Bas (7 % chacun). L’APD apportée par les Institutions européennes a augmenté de 30 % pour s’établir à 23 milliards de dollars.

L’essentiel de la hausse des aides européennes va à la couverture des frais supportés par l’accueil des réfugiés (15,3 Mds dollars) et à l’Ukraine (13,3 Mds de dollars), au total près de 30 milliards d’euros sur les 120 milliards d’aides bilatérale et institutionnelles européennes de 2022. L’Ukraine représente près de 40 % de l’APD accordée par les Institutions de l’Union européenne.

Hors ces dépenses, l’aide européenne se contracte de 3,6 milliards de dollars.

 

Une aide aux projets et aux programmes de développement qui stagne

Les pays de l’OCDE ont su ou ont dû dégager des ressources financières importantes pour faire face aux urgences immédiates : afflux de réfugiés et guerre sur le sol européen, pandémie mondiale.

Mais, le poids des contraintes budgétaires et les priorités immédiates ont bridé leur capacité à apporter aux pays du Sud les moyens supplémentaires dont ils ont besoin pour se développer économiquement, socialement, afin d’atteindre les objectifs du millénaire et répondre aux défis écologiques.

Au total, ces aides d’urgence à caractère humanitaire défalquées, l’APD ne progressent pas d’une année sur l’autre. 

 

Tableau 2 : Aide Publique au développement

2022

En mds de dollars

2021

En mds de dollars

%
APD 204 180 + 13,6
Réfugiés 29,3 12,8 + 129
Humanitaire 22,3 22,1 + 1
Ukraine 16,1 0,9 + 1690
COVID-19 11,2 20,3 – 45
Total 78,9 56,1 + 40
APD nette 125,1 124,9 0,1

Pour indispensables qu’elles soient, ces aides humanitaires ne contribuent pas au développement économique et social des pays du Sud. L’assistance affectée aux infrastructures et secteurs productifs ne pèsent que 30 % des dépenses de l’APD, selon les statistiques de l’OCDE qui, il est vrai, ne couvrent pas tous les apports aux pays en développement.

Pourtant, c’est la transformation des économies africaines, leur diversification qui seules permettront à l’Afrique de sortir du sous-développement, du piège climatique et de ses maux sociaux et politiques.

 

Observations et conclusions

1/ Les statistiques sur l’APD démontrent que, globalement, les efforts des pays du Nord sont possibles, dans l’urgence et quand leurs intérêts directs sont menacés. L’Ukraine en est le dernier exemple mais bien d’autres abondent dès lors que la crise financière ou économique se profile.

Le « quoi qu’il en coûte » s’applique de manière sélective. Les pays du sud ont pu s’en apercevoir avec l’Ukraine qui, en dix mois, a reçu autant que les promesses non tenues de Copenhague. Les injonctions pour « sauver la planète » s’en trouvent relativisées au Sud, même si celui-ci partage les mêmes préoccupations.

Sans l’accroissement de l’aide aux réfugiés (+16,5 Mds de dollars), à l’Ukraine (+15,2 Mds de dollars), en tenant compte de la baisse de l’appui à la lutte contre la pandémie, l’APD mondiale est passée de 146 Mds de dollars en 2021 à 147,4 %, une hausse de 1,4 milliard de dollars, moins de 1 % de la hausse.

2/ La répartition géographique de l’aide se ressent de ces évolutions ;

 

Tableau 3 : Aide par niveau de revenus

Niveau de revenu 2022 2021 Ecart en %
PMA 32 31,7 – 0,7
bas 26 25,2 + 3
moyen inférieur

(sans Ukraine)

47

31

30,8

+ 52,8

+0,6

moyen supérieur 13 12,8 +1,4
Total 118 106,5 +10,8
Hors Ukraine 102 105,5 – 3,3
APD 206 178,7 +15,3

 

L’aide géographiquement attribué a augmenté de 11,5 milliards de dollars mais 16 milliards sont destinés à l’Ukraine ; sans l’Ukraine, l’APD géographisée a baissé de 3,3 milliards (-3,3 %) :

L’Afrique enregistre une baisse globale de -7,4 %, de 8 % (2,5 milliards de dollars) pour sa partie subsaharienne. Les pays dits les Moins Avancés (PMA) voient l’APD reçue des pays de l’OCDE se contracter de 0,7 %. Sans l’Ukraine, les pays à revenus moyens enregistrent une hausse inférieure à 0,6 %.

3/ L’aide publique occidentale ne progresse pas voire régresse alors que les annonces de Plans d’aide (Global Gateway, Build Back Better) se sont multipliées ces dernières années. L’aide à l’Ukraine décomptée, l’aide américaine a baissé de 5 milliards de dollars (-10%). Sans l’aide à l’Ukraine et l’accueil aux réfugiés, celle de l’Union européenne (États et Institutions) se contracte de 3,6 milliards de dollars. Pour les Britanniques, la réduction (hors réfugiés et Ukraine) est encore plus frappante – 18 % en 2022 après déjà une forte chute en 2021.

Il existe donc un contraste embarrassant entre les déclarations américaines et européennes, les engagements pris d’accompagner le Sud dans sa transition écologique, dans son effort d’infrastructures, de développement économique par la mise à disposition de fonds additionnels  et la réalité des flux financiers reçus par les pays en développement. Cette situation ne peut qu’alimenter le désabusement du Sud à l’égard d’un Nord au comportement ambivalent et aux promesses non tenues.

 

Lire aussi :

Brève d’actualité – Rapport de l’OCDE sur l’Aide Publique au Développement en 2021

Replay – LES RUPTURES ÉCONOMIQUES : LE SIÈCLE DE L’ASIE ? – Forum du Futuroscope 2022 

Serge DEGALLAIX, Ancien Ambassadeur

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