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Rapport de l’OCDE sur l’Aide Publique au Développement en 2021

Date de la brève : 22 avril 2022

Présentation et commentaires

 

Le Comité d’Aide au Développement de l’OCDE a diffusé le 12 avril 2022 les chiffres préliminaires de l’Aide Publique au Développement (APD) pour 2021. Les données définitives seront disponibles en décembre 2022. Les statistiques couvrent les pays membres de l’OCDE, avec des indications sur quelques autres pays comme la Turquie, l’Arabie Saoudite ou les Emirats arabes unis.

Avec le déclenchement de la crise sanitaire et le grand renfermement du monde, on pouvait craindre que l’aide aux pays du sud ne soit sacrifiée aux urgences intérieures des pays développés. Il n’en avait rien été et le niveau de l’aide avait pu être maintenu en 2020. La même observation peut être faite pour 2021. L’OCDE parle de niveau absolu d’aide jamais atteint. La situation ne peut cependant pas être jugée vraiment satisfaisante. Les besoins à couvrir face à la COVID et aux exigences de transition écologique, gourmandes tous les deux en nouvelles dépenses courantes et en investissements lourds, oblitèrent largement cet accroissement de l’aide.

 

Une aide globalement résiliente mais obérée par les dépenses sanitaires et humanitaires

Après un recul de 4,6% en 2020, le PIB de l’OCDE a repris des couleurs en 2021 en progressant de 5,5%. L’Aide Publique au Développement a augmenté en valeur réelle de 4,4% (+3% en 2020), pour s’établir à 178,9 Mds $, soit +7 Mds $. Le taux de 0,33% de l’aide par rapport au PIB resté inchangé, encore bien loin des engagements de 0,70%.

Cette augmentation est principalement le fait des États-Unis (+14% après 4,7% en 2020), du Canada (+8% pour +7,7% en 2020), de la Corée (+20,7%) et du Japon (+12,1 %). Les pays de l’Union Européenne, avec +4,3% et les Institutions européennes en baisse de -8,1%, font moins bien.

En flux financiers, les prêts ont représenté 19% de l’aide. Japon, France et Allemagne sont les principaux prêteurs. Les abandons de créances s’élèvent, comme en 2020, à un demi-milliard de dollars, ce qui est faible dans les circonstances actuelles. En réaction à la pandémie, la décision avait été prise en 2020 par le G20 de suspendre jusqu’en décembre 2021 les échéances de la dette et non de les annuler ou de les réduire.

L’aide humanitaire – 11% de l’aide globale – a augmenté de 6%, ainsi que le coût des réfugiés accueillis dans les pays donateurs, 5,2% de l’aide globale soit 9,3 Mds $.

Les mesures de soutien sanitaire à la lutte contre le COVID représentent pour les fournitures de vaccins 6,3 milliards de dollars, dont un peu plus de la moitié correspondent à des achats spécifiques pour les pays en développement, le reste étant des dons de vaccins prévus à l’origine pour les pays des donateurs. S’y ajoutent, les autres dépenses liées à la COVID-19 (tests, traitements, information, etc) pour un total de 18,7 Mds $, en hausse de 2,5 Mds $, soit une part dans l’APD de 11%.

 

Une aide plutôt dirigée vers les mieux lotis

Après la baisse de 3,5% par rapport à 2019, l’APD en direction des des pays à faibles revenus (28 Mds $) enregistre une hausse de 1%. L’APD à l’Afrique subsaharienne progresse de 2% (+650 millions de dollars) pour s’établir à 33 Mds $.

Les Pays les Moins Avancés (PMA) bénéficient d’une augmentation de 2,5%. La prise en compte des dépenses médicales et des réfugiés relativise cependant cet accroissement car ce sont les pays les plus pauvres qui en ont eu le plus besoin de soutien pour faire face à l’urgence médicale.

Les pays en développement les plus avancés (revenus intermédiaires) ont reçu le surcroît d’aide le plus élevé : +3,8 Mds $, plus de la moitié de l’accroissement total de l’aide. Le volume des dons ou équivalent-don est en hausse de 7% pour les pays à revenus intermédiaires dits inférieurs (38 Mds $) et de 2,5% pour ceux à revenus intermédiaires dits supérieurs (33 Mds $).

 

Commentaires

1. Sans entrer dans le détail des chiffres et des catégories de l’aide, les commentateurs de presse ont salué cette bonne tenue de l’aide. La France (+4,6%), comme l’Allemagne (+5,1%), ont continué à augmenter leur APD, cette dernière dépassant le seuil de 0,7%, la France maintenant son APD à 0,52% du PIB. L’aide allemande – un temps inférieure à l’aide française – est maintenant plus du double de celle-ci et près du quadruple pour la seule aide bilatérale.

 

2. Cette appréciation globalement positive ne va pas sans nuances, comme cela paraît en filigrane dans la note de l’OCDE.

En valeur relative, l’aide publique au développement plafonne à 0,33% du PIB des pays donateurs tandis que les dépenses liées à la pandémie (18,7 Mds $), le coût des réfugiés (9,3 Mds $) et, plus généralement, les soutiens à caractère humanitaire représentent maintenant une composante forte du soutien de l’OCDE. Cela réduit d’autant la part consacrée aux facteurs de croissance économique.

Les temps s’annoncent difficiles pour les pays en développement, notamment africains qui se voient contraints de réduire leurs émissions de CO2 au prix d’investissements coûteux. La dotation de Fonds Vert n’atteint pas encore les engagements pris à la COP21 (100 Mds $ supplémentaires par an) et l’on peut s’interroger sur la véritable additionnalité des sommes présentées sous ce label.

À cela s’ajoutent les conséquences de la guerre en Ukraine tandis que la dette africaine s’alourdit avec le report des échéances, l’augmentation des taux d’intérêt, la dépréciation des monnaies. Le FMI et la Banque Mondiale tirent la sonnette d’alarme dans leurs derniers rapports.

L’Afrique, redevenue un terrain de rivalité entre grandes puissances, peut tirer profit pour son développement de cette compétition. Il reste à transformer les annonces américaines et européennes de ces derniers mois en décaissements. L’Europe est attendue sur ce terrain car elle est en première ligne.

 

3. Les chiffres de l’OCDE ne couvrent pas l’intégralité des aides accordées aux pays en développement. Certains États hors OCDE déclarent leur assistance publique au développement au Comité d’Aide au Développement, d’autres ne le font pas même si des relations existent avec le Comité d’Aide au Développement.

Gros contributeur habituel pour les infrastructures de base, la Chine reste très présente en Afrique dans le cadre de son aide et de ses investissements directs mais elle paraît ces derniers temps en retrait avec des engagements qui se tassent.

Parmi ceux qui déclarent l’APD à l’OCDE, la Turquie apparaît comme un donateur important avec 7,6 Mds $ (0,95% du PIB), soit la moitié de l’aide de la France ou du Royaume-Uni, deux fois celle de l’Espagne, plus élevée que celle de l’Italie. L’essentiel de l’aide turque passe par des canaux bilatéraux, le plaçant ainsi au plan mondial, juste après les États-Unis et l’Allemagne, devant tous les autres pays de l’OCDE. L’APD turque est en retrait sensible par rapport à l’année précédente, où elle dépassait les 8 Mds $.

Selon ses déclarations à l‘OCDE, l’effort de l’Arabie Saoudite est moindre (2 Mds $) mais en hausse (+10,2%) et va essentiellement à des dons et des prêts bilatéraux, de même que les Émirats Arabes Unis qui consacrent plus de 90 % de leurs ressources à des financements bilatéraux sous forme de dons.

Enfin, d’autres pays comme l’Inde, Singapour ou l’Indonésie, qui ne déclarent pas leur APD à l’OCDE, sont également actifs en Afrique mais leurs interventions répondent à des considérations largement économiques, qui ne relèvent pas de l’aide telle que définie par l’OCDE, mais qui facilitent l’insertion de l’Afrique dans les circuits économiques mondiaux, même de façon déséquilibrée.

 

Pour en savoir plus, retrouvez la brève d’actualité sur le « Rapport de l’OCDE sur l’Aide Publique au Développement en 2020 »

Serge DEGALLAIX, Directeur général de la Fondation Prospective et Innovation

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