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« Henry Kissinger, l’Européen »

Date de la note : 16 juin 2023

« Henry Kissinger, l’Européen », Jérémie Gallon – éditions Gallimard, mai 2021

 

« Il y a quelque chose d’extraordinaire dans le parcours de ce petit garçon juif allemand, qui naît à quelques kilomètres à peine de Nuremberg, grandit au cœur même de l’enfer nazi et devient le plus grand diplomate que les États-Unis étaient connus  »

Henry Kissinger a fêté ses 100 ans, le 27 mai dernier. L’occasion de relire l’ouvrage paru en mai 2021 de Jérémie Gallon, « Henry Kissinger, L’Européen« .
Ce portrait tout en finesse d’une figure clé de la diplomatie et des relations internationales, nous plonge dans les coulisses de la politique mondiale.
L’auteur un avocat, ancien diplomate spécialiste des questions européennes et de droit international, est un grand admirateur d’Henry Kissinger, sans pour autant omettre les aspects les plus polémiques de son bilan. Jérémie Gallon, qui voit en lui le digne successeur d’un Metternich ou d’un Talleyrand, brosse un portrait riche en anecdotes de « Super K« .
Henry Kissinger est né à Fürth, une petite ville allemande. Juif, il a subi le régime de l’Allemagne nazie et fui les persécutions. Sa famille, sous l’impulsion de sa mère, a émigré aux États-Unis en 1938. Très pudique, Henry Kissinger dira à sa mère : « Tout ce que j’ai réussi, tout ce que notre famille a réussi, nous te le devons ».

 

« Il nouera des alliances qui redessineront les équilibres du monde et sera celui qui façonnera durablement l’échiquier géopolitique du XXe siècle« .

Ce livre retrace le bilan éloquent de Kissinger en politique étrangère. Cet universitaire, débutant en politique au poste de chef de la diplomatie américaine sous la présidence de Richard Nixon et de Gerald Ford, aura réussi de grandes avancées. Il amorcera, contre une grande partie du camp républicain, la politique de détente avec Moscou, dont la conférence d’Helsinki et son acte final de 1975 avec son chapitre sur les droits de l’homme. Il sera un acteur clef dans le processus de normalisation des relations avec la Chine communiste et négociera le retrait américain du Vietnam.
Au fil des pages, l’on fait la rencontre des personnages ayant marqué la vie de Kissinger, de Raymond Aron, son ami, en passant par Lee Kwan Yew, le père de Singapour, au Général de Gaulle. Il fut d’ailleurs l’un des seuls aux États-Unis à défendre la politique extérieure du président français dictée par un objectif d’indépendance nationale. Il explique sa vision dans un article publié dans la revue Harper’s, intitulé « L’illusionniste : pourquoi nous avons mal compris de Gaulle« . Le chapitre consacré à la relation entre Kissinger et Nixon est fascinant. Les deux hommes, alors indispensables l’un à l’autre, se méfiaient tout autant.
Jérémie Gallon n’oublie pas de décrypter le bilan plus sombre de Kissinger, comme son indulgence face « au coup d’État du 15 juillet 1974 à Chypre » ou son rôle dans l’instauration de la dictature militaire du général Augusto Pinochet en Argentine.
Très critiqué, autant par son propre camp l’estimant trop « indulgent » que par les démocrates jugeant qu’il n’avait aucune considération pour les peuples, Kissinger est devenu le symbole de la « realpolitik ». Un terme qu’il conteste, se considérant comme un réaliste. Sa vision étant la recherche permanente d’un équilibre des puissances par la concertation, prenant régulièrement en exemple le Congrès de Vienne.

« À l’ère nucléaire, cela signifiait réduire au minimum le risque d’affrontement entre les deux superpuissances tout en évitant que le ‘monde libre’ se désagrège devant la menace soviétique« , résume Jérémie Gallon.

 

La figure de Kissinger doit servir de modèle aux dirigeants européens. Pour défendre son bilan, l’auteur cite Pessoa « Que deviendrait le stratège s’il pensait que chaque coup de son jeu apporte la nuit à mille foyers et la douleur à trois mille cœurs ? » À cette question, il répond sans ambiguïté : « Il deviendrait un de nos dirigeants européens actuels, incapables d’agir face aux périls et paralysés face aux menaces « .

 

Pour aller plus loin:

Vidéo – Entretien avec Joachim BITTERLICH : Quelle « boussole stratégique » pour l’Union européenne ?

BILLET D’ACTUALITÉ – Les malheurs judiciaires de Donald Trump… et au-delà

Victor FOSSET, Chargé de Mission

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Informations sur l'ouvrage

  • Henry Kissinger, l'Européen
  • Auteur : Jérémie GALLON
  • Éditeur : Editions Gallimard
  • Date de publication : 20 mai 2021
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