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« Histoire mondiale du protectionnisme » – Ali LAIDI, Éditions Passés Composés, septembre 2022

 

Essayiste, enseignant, chroniqueur à France 24 et intervenant régulier aux rencontres de la Fondation Prospective et Innovation, (« Les PME face à l’extraterritorialité des lois »), Ali Laïdi est un spécialiste reconnu de la guerre économique. Il a été d’ailleurs rendu compte, dans une note de lecture de FPI, « Les batailles du commerce mondial. Penser la guerre économique avec et contre Michel Foucault ».

« Histoire mondiale du protectionnisme », publiée l’an dernier, décrit la guerre économique qui se poursuit depuis des siècles et qui utilise comme armes de dissuasion ou d’offensive le protectionnisme, le colbertisme ou l’ouverture au forceps des marchés récalcitrants. L’auteur répond sur notre chaîne YouTube à des questions d’actualité sur ces luttes commerciales : escalade dans la relation des États-Unis avec la Chine, capacité de l’Europe à faire sa mue et celle du monde en développement à décoller sans le levier de la mondialisation.

L’adoption cet été de l’Inflation Reduction Act (IRA) a relancé les querelles et donne à l’essai de Ali Laïdi encore plus d’actualité et de pertinence, avec toutefois une bipolarité en devenir moins simple qu’il n’y paraît. Le dernier Sommet européen du 9 février 2023 est le reflet d’un de ces épisodes guerriers qui n’épargnent ni adversaires, ni alliés. L’Europe doit se garder de la Chine mais aussi des États-Unis, Joe BIDEN pensant manifestement à se représenter et ayant besoin des voix des cols bleus pour être réélu. La création « d’emplois dans l’industrie, bien payés et pouvant être pourvus sans diplôme » grâce à des mesures protectionnistes, est un de ses thèmes de campagne. Le billet de Philippe Coste sur ce sommet explique avec clarté la nécessite pour l’Europe de réagir et les difficultés à le faire promptement.

L’ouvrage de Ali Laïdi relate, avec précision mais sans jamais ennuyer le lecteur, les grandes périodes d’un protectionnisme qui nait naturellement avec le commerce, qui connait des hauts et des bas, selon les intérêts et les rapports de forces en présence. En parallèle à ce récit historique à grandes enjambées, il s’attarde sur certains grands secteurs (automobile, aéronautique, électronique et informatique, ferroviaire, chimie …) qui ont fait l’objet de luttes commerciales acharnées entre Américains et Européens, Occidentaux et le reste du monde. Ces épisodes ne sont pas s’en rappeler ceux que nous vivons aujourd’hui.

Tout en étant mentionnées, Il est peu question des théories du libre-échange d’Adam Smith ou de David Ricardo qui ont pu influencer les esprits et les comportements mais dont l’application relève plus de circonstances que de la croyance en une loi universelle de l’économie. La défense du libéralisme ou du protectionnisme résulte souvent d’une position de force favorable ou non face à la concurrence.

Les Américains ont, pratiquement tout au long de leur histoire, fait preuve de protectionnisme et ils ont, à l’abri de leurs barrières tarifaires et non tarifaires, bâti leur puissance. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, ils ont pu faire illusion avec les accords du GATT, les multiples rounds de désarmements douaniers mais le protectionnisme n’est jamais loin quand il s’agit de faire face à la menace japonaise, coréenne ou européenne. L’OMC est condamnée à l’impuissance et son Organe de Règlement des Différends est rendu inopérant, faute que les États-Unis acceptent la nomination de juges nécessaires à satisfaire le quorum.

Le paysage en Europe est plus contrasté avec des Anglais qui ont porté sur les fonts baptismaux le libéralisme politique comme économique mais qui ont pu pratiquer le protectionnisme quand souhaitable, des Français colbertistes avec des moments de libéralisme et des Allemands mercantilistes. Les images d’Epinal, pour réductrices qu’elles soient, ne sont pas toujours éloignées des réalités.

La crise de la COVID-19 a été un accélérateur puissant de la défiance vis-à-vis de la mondialisation et justifie dorénavant les relocalisations. Aujourd’hui, le colbertisme fait des émules sur les cinq continents car sans puissances économique, pas de libre arbitre politiques.  Une nouvelle ère du protectionnisme s’est ouverte.

L’Europe s’éveille aux réalités du monde mais elle a encore du mal à les accepter car la doxa libérale la structure et elle craint la fragmentation, les intérêts des États-membres ne coïncidant pas forcément.

L’Histoire mondiale du protectionnisme, c’est aussi celle d’un monde émergent, victime de ce libéralisme imposé à la pointe des baïonnettes et par l’extraterritorialités des lois occidentales, en Chine, au Japon, en Corée, en Inde, en Amérique Latine, en Afrique, mais qui se maintenant se rebelle et veut prendre sa revanche. Pour cela, le monde émergent entend prendre des libertés avec des dogmes qui n’ont pas de valeur absolue.

Une escalade s’installe entre la Chine et les États-Unis qui ne laisse présager rien de bon pour un monde qui se bipolarise, qui se trouve empêché de trouver un terrain d’entente pour relever les défis immenses auxquels il se trouve confronté : croissance, justice, égalité et environnement.

 

 

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Vidéo – Histoire mondiale du protectionnisme, Ali Laïdi

 

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