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Nucléaire et Small Modular Reactor (SMR) dans l’UE : retour vers le futur ?

Date de la brève : 26 avril 2024

  • Afin de limiter les effets du réchauffement climatique, l’UE prévoit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030.
  • Cherchant à recourir à l’énergie nucléaire pour ce faire, la Commission a créé une Alliance européenne industrielle des petits réacteurs en mars.
  • En parallèle, l’Union anticipe les besoins futurs en matière d’emploi à travers un Pacte pour les compétences.

 

Octobre 2019, les Américains débarquent à Bruxelles… la Commission européenne s’est sentie obligée d’organiser un séminaire d’échanges sur le thème du nucléaire et plus particulièrement du SMR (Small Modular Reactor, ou « petit réacteur modulaire » en français). Puis plus rien. L’actuel conflit dont nous sommes témoins aux portes de l’Europe a rebattu les cartes. Or, comment engager le redémarrage économique sans parler de nucléaire ? Comment parler du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) et de décarbonisation dans ce contexte ? 

La crise énergétique devenant menaçante, et les objectifs climatiques européens fixés à horizon 2030 s’éloignant peu à peu, fin 2021, tous les acteurs du nucléaire se sont mis ensemble pour voir comment proposer des solutions innovantes, et notamment travailler sur le SMR autour d’un pré-partenariat industriel commun. L’objectif poursuivi par ces acteurs était d’abord d’échanger leurs expériences et bonnes pratiques, et de voir comment avancer sur plusieurs axes de travail. Puis, dans un deuxième temps, il conviendrait d’inviter la Commission européenne à créer une nouvelle « Alliance européenne industrielle des petits réacteurs », afin d’atteindre les objectifs climatiques présents mais aussi ceux de 2040 visant une réduction des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 90%, avec un seul mot d’ordre en tête : décarboner l’économie dans toutes ses composantes, et avec des besoins accrus en électricité qui vont doubler dans les 15 prochaines années. 

Tous les gouvernements se doivent de conjuguer énergies renouvelables et solutions bas carbone qui incluent nécessairement l‘énergie nucléaire. La solution SMR s’est imposée naturellement eu égard aux avantages que cette voie apporte en termes de coût de l’électricité, au coût des infrastructures, aux délais pour la construction de ces structures, et à la dimension « nucléaire à la demande » pour des applications industrielles – notamment pour les industries à énergie intensive – ou les systèmes de chauffage urbain, pour remplacer les centrales thermiques au charbon et au gaz. 

La solution des petits réacteurs modulaires est une solution stable et pertinente pour produire de l’hydrogène propre pour diverses applications. Les SMR peuvent aussi apporter de la flexibilité dans la gestion des réseaux et apporter un support important pour le développement des data center qui se sont multipliés pendant la crise sanitaire. 

Cet élan européen a été soutenu par le plan France 2030 (juin 2023) présentant l’ambition française pour relancer la filière nucléaire, avec 1,2 milliard d’euros pour développer ces nouvelles technologies. La diversification des usages, la réduction des déchets et l’augmentation de l’autonomie stratégique, par le multi-recyclage des matières nucléaires existantes, sont au cœur de la stratégie nationale. 

La Commission européenne a ainsi lancé le 22 mars dernier cette Alliance européenne avec l’ambition de réussir la mise sur le marché de ces nouvelles solutions, avec des projets concrets, et de développer une véritable chaîne d’approvisionnement au niveau des 27 États membres. Cette alliance a pour but d’inviter les participants à travailler sur l’innovation, les enjeux environnementaux, sur la sûreté et la sécurité. Il s’agit avant tout de coordonner une action commune et de « forcer » la collaboration entre parties prenantes. Autour de 300 acteurs ont manifesté leur intérêt pour cette nouvelle plateforme.  

La Commission est la pierre angulaire de cette construction « para-institutionnelle », représentée par différentes directions générales. Afin de développer ces innovations, la coopération entre régulateurs européens est fondamentale, de façon aussi à éviter la multiplication des « designs » et mieux flécher les pistes de financements. 

Ces solutions permettent de capitaliser sur les avancées technologiques et industrielles, et de renforcer ainsi la compétitivité européenne. Il convient désormais de rendre la filière attractive pour des jeunes talents. On estime à plus de 100 000 emplois nouveaux créés dans les dix prochaines années. Certains pays européens préparent déjà des budgets dédiés, et la Commission européenne met en place des dispositifs nouveaux dans le cadre du Pacte européen pour les compétences (Pact for Skills), adopté en 2020 pour accompagner les évolutions futures de nos sociétés, en particulier dans les domaines de la transition verte et numérique, et anticiper leur impact sur le marché du travail. 

 

Pour aller plus loin : 

Relire – Économie de guerre ou guerres des économies ?

Revoir – Quelle « boussole stratégique » pour l’Union européenne? 

Relire – L’UE et la Chine devraient coopérer pour réduire l’utilisation du charbon en Afrique

Antoine FERAL, Conseiller du Commerce Extérieur, Union Européenne

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