FPI
Publications

Sixième rapport de synthèse du GIEC – 20 mars 2023

Date de la brève : 24 mars 2023

Une brève d’information avait en août 2021 présenté l’analyse et les conclusions du sixième rapport d’évaluation du groupe intergouvernemental sur les changements climatiques qui venait d’être publié et préparait la COP26 à Glasgow.

Reprenant ce rapport d’évaluation et ceux des groupes de travail spécialisés, la synthèse de la sixième évaluation du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le changement du Climat (GIEC) vient d’être rendue publique.

Les conclusions du rapport de synthèse reprennent l’essentiel de l’évaluation d’août 2021 et s’ordonnent autour :

  • D’un état des lieux en 2020/2021 avec les tendances dominantes
  • De projections à long terme avec les risques et les réponses envisageables
  • Ce qu’il faudrait faire à court terme

Prenant acte des évolutions des dix dernières années, l’état des lieux actuel ne manque pas d’être inquiétant avec les principaux constats suivants :

1/ Le budget carbone de la planète pour limiter à 1,5 ° son réchauffement est en voie d’épuisement.

En 170 ans (1850-2020), environ 2400 milliards de tonnes de CO2 ont été relâchées dans l’atmosphère.

Bien sûr, les calculs du GIEC reposent sur des probabilités mais, en retenant une probabilité moyenne, le budget restant d’émissions de CO2 s’établit en 2022 à 500 milliards de tonnes si l’on veut limiter le réchauffement du globe à 1,5° et 1150 milliards de tonnes pour 2°.

Au regard de ce capital restant, même si leur rythme s’est ralenti (+1,3 % l’an contre +2,1% dix ans plus tôt), les émissions annuelles n’ont jamais été aussi élevées que durant la décennie 2010-2020. En 2019, le rythme annuel est de 60 milliards de tonnes de CO2 rejetées. À ce rythme, le seuil de 1,5° sera franchi en tout début de la prochaine décennie et celui de 2° avant 2045.

2/ Les objectifs sont insuffisants et ne sont pas tenus. Il faut réagir.

Les projections effectuées à partir des indications fournies par les Contributions déterminées au niveau national (CDN) aboutissent à une hausse de la température de 2,8° d’ici la fin du siècle. Facteur aggravant, les CDN ne sont pas appliqués pleinement et, sans correctifs rapides, le réchauffement de la température du globe s’établira en 2100 à 3,2°.

Il faut donc rehausser les objectifs de réduction de CO2 et les respecter pleinement. Un effort financier et d’innovation technologique est indispensable. Il faudrait que le montant des investissements consacrés à la décarbonation soit multiplié par trois à six dans la décennie en cours. Le GIEC juge cet effort financier et technologique réalisable si l’on agit pour réorienter les importantes masses financières qui circulent dans le monde vers la réduction des gaz à effet de serre et l’adaptation aux changements climatiques.

3/ Quelles conclusions en tirer ?

La précédente évaluation remonte à cinq ans et le diagnostic présent est devenu encore plus préoccupant car la décélération des émissions de CO2 est bien insuffisante. La fenêtre d’opportunité pour éviter les catastrophes naturelles et humaines se resserre. Le GIEC ne ferme pas la porte à l’espoir de limiter le réchauffement à 1,5 ° mais celui-ci apparait de plus en plus mince et la position de repli aujourd’hui apparaît plutôt de ne pas dépasser 2° Celsius et de songer à la décarbonation de l’atmosphère.

La synthèse se veut une présentation scientifique, neutre, et elle s’efforce de prévenir toute exploitation politique flagrante de son travail. Les responsabilités en jeu ne sont mentionnées que de manière globale, sans attribution géographique. La part des pays avancés dans les émissions est écrasante, historiquement et actuellement. La responsabilité est à assumer par tous, gouvernements, entreprises et citoyens. L’impact du réchauffement est inégal et touchera le plus les pays pauvres du sud.

Ce n’est pas encore un cri d’alarme désespéré mais un signal d’alerte pressant. Il n’est pas trop tard pour ne pas franchir les seuils critiques de réchauffement mais, faute de nouvelles mesures plus significatives, dans dix ans, nous aurons atteint le cap de 1,5° pour se diriger vers celui de 2°, que nous pourrions franchir avant la moitié du siècle. Les dommages seront dramatiques dans certaines régions. Bien sûr, des techniques de décarbonation existent et doivent être développées mais sans pouvoir réparer tous les dégâts.

À huit mois de la COP28 de Dubaï, le rapport de synthèse va alimenter les travaux préparatoires de cette rencontre qui doit faire oublier les résultats en demi-teinte des COP précédentes.

À côté de la révision et de l’application effective des Contributions déterminées au niveau national, la question du financement de la transition énergétique du Sud sera une nouvelle fois au centre des débats à Dubaï. Le rapport de synthèse reste relativement discret sur ce sujet, tout en mentionnant le non-respect de l’engagement d’apporter au Sud les 100 milliards d’appuis financiers promis en 2009 à la COP de Copenhague. De même, les arbitrages inévitables entre la réduction des émissions de CO2 dans les pays du Sud et la tenue des Objectifs de Développement Durables sont traités très rapidement en posant le principe que la première facilitera la réalisation des seconds, ce qui reste largement une vue de l’esprit. Les financements et les transferts de technologie requis doivent être au rendez-vous au Nord et au Sud la volonté politique de concilier développement économique, décarbonation et préservation de la biodiversité. Nous sommes encore loin du compte. Le Sommet de Paris sur la nouvelle architecture financière mondiale de juin prochain devrait permettre de progresser.

Ce sont là des enjeux majeurs de la COP 28 dont la préparation intervient à un moment où le Nord à largement la tête ailleurs et se trouve sollicité par d’autres priorités, comme l’Ukraine, le combat contre l’inflation ou la rivalité sino-américaine.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Replay – LA COP 27 DE CHARM-EL-CHEIKH : QUELS ENJEUX POUR L’AFRIQUE ?

Brève d’information – Renewable Energy Finance 2023

Brève d’information – Sixième rapport d’évaluation, 9 août 2021

Serge DEGALLAIX - Ancien Ambassadeur

< Retour à la liste
X