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ANALYSES & OPINIONS : Qu’est-ce que la culture ?

3 mai 2024

par Olivier CAZENAVE, Vice-Président Délégué, FPI

« Analyses & Opinions » est un format consacré aux expressions de toutes obédiences. Dans ce nouveau billet, notre Vice-Président Délégué, Monsieur Olivier Cazenave, nous partage ses réflexions sur la culture. 

 

Il est des questions qui laissent mal à l’aise tant les réponses que l’on pourrait y apporter sont délicates et lacunaires. Ainsi en est-il de celles qui tiennent à la culture. Pour certains, la culture se réduirait à un amas de connaissances, faites d’idées vagues sur un peu tous les sujets. Une culture qui permettrait de parler de tout de façon fleurie, où les lieux communs serviraient une éloquence aimable, une culture de salon en fait destinée à briller en se gardant d’ennuyer l’auditoire par des propos trop pesants. 

Face à cette culture éphémère, il en est une autre qui conduit à la joute des savoirs : chacun par une érudition bien sentie y tente, par tout moyen, de montrer sa supériorité en alignant force lectures ardues et citations prestigieuses. L’orgueil en ressort ou rayonnant ou fleuri… jusqu’à un prochain combat digne des Femmes savantes de Molière. 

Entre les deux cultures, il en est d’autres dont celle des examens de haut niveau qu’affectionnent, dit-on, les concours d’entrée aux Grandes Écoles où la culture générale serait testée. Cette culture combinerait l’art de l’éloquence aux savoirs universitaires ou géopolitiques, cocktail sans lequel il n’y aurait point de salut tant la vie professionnelle et sociale de l’impétrant en dépendrait. 

Nul ne se pose alors vraiment la question de savoir ce qu’est la culture, la vraie. Serait-elle un amas de connaissances ? Un don pour une parole aisée ? Un moyen d’acquérir une position sociale enviée ? Le problème posé comme cela, le consensus n’est plus loin. Chacun affirmera, avec une grande sincérité, que la culture ne saurait être ravalée aux connaissances livresques, à une érudition sans horizon ni ouverture, ce qui serait encore une pirouette intellectuelle. La culture se nourrit en effet de tout mais en le dépassant. À ce propos, Montaigne écrivait dans ses Essais : « Les opinions et le savoir d’autrui […], il les faut faire nôtres […]. Que nous sert-il d’avoir la panse pleine de viande si elle ne se digère, si elle ne se transforme, si elle ne nous augmente et fortifie ». 

Certes, toutes les connaissances, qu’elles tiennent à la littérature et à l’art plus généralement, aux religions, à la vie dans la cité, aux relations internationales et aux lois utiles pour former son jugement, définir son identité et celle du groupe auquel on appartient en même temps qu’elles nous permettent d’interagir avec plus d’aisance avec les sociétés dans lesquelles nous vivons. Malgré tout leur intérêt, force est de constater qu’elles ne sont cependant pas suffisantes. Il leur faut un supplément d’âme. L’érudition, si elle apporte beaucoup dans un salon ou au jeu télévisé, si elle permet d’aboutir à une thèse universitaire, met en valeur l’intelligence du sujet, sa capacité à relier les savoirs entre eux en faisant jouer à plein la mémoire. Elle ne fait cependant pas d’un individu un homme cultivé, bien que pour la plupart des gens ce soit le cas. 

La raison en est simple : les connaissances ne font pas la Connaissance, celle qui nous élève vers un but supérieur. Si connaissances et Connaissance se nourrissent des mêmes sources, la seconde dépasse de loin la première car de ces sources, elle fait un fleuve qui irrigue une vie. L’homme cultivé serait alors celui qui est un grand professeur d’université ou un simple maçon… peu importe. Ce qui compte, c’est ce qu’il a fait et fait de ce qu’il a appris. Ce qui compte, c’est l’ouverture qu’il en a tiré concrètement sur le monde et les hommes. Ce qui compte, c’est la spiritualité qui se dégage de lui grâce à tous ses cheminements aussi divers soient-ils. 

La culture ne serait-elle pas alors d’apprendre à oublier lorsque l’on a beaucoup appris pour exister pleinement soi-même et être utile aux autres ? 

 

 

 

Olivier CAZENAVE

Vice-Président Délégué, FPI

 

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