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#Etats-Unis, Multilatéralisme

BILLET D’ACTUALITE : Sommet Biden – Poutine (16 juin 2021)

18 juin 2021

Par Philippe COSTE, Ancien Ambassadeur

La dernière étape de sa tournée européenne, la rencontre avec le Président russe, Joe Biden s’était préparé à l’aborder dans un esprit de parfait réalisme : sans agressivité mais sans la moindre illusion sur son interlocuteur et sur ce qu’il était possible d’en tirer. Et il est probable qu’en face de lui, Vladimir Poutine se soit trouvé dans les mêmes dispositions. Ce fut donc une conversation nourrie, de trois heures et demie, où chacun a vidé son sac de tous les sujets de désaccords ou de reproches mutuels, et Dieu sait qu’ils sont nombreux : élargissement de l’OTAN, Crimée, Ukraine, cyberattaques, déploiement d’armes nouvelles, incursions répétées dans les espaces aériens et maritimes de pays de l’OTAN, sanctions internationales, intervention dans les campagnes électorales, sort de Navalny et j’en passe… Mais ce fut une conversation sérieuse, pratique et finalement constructive dont les deux interlocuteurs sont sortis visiblement satisfaits.

Les résultats concrets de ces échanges pourront paraître décevants. Sur le fond des sujets, ils se bornent à transmettre le témoin aux ministres des Affaires Etrangères et aux deux ambassadeurs que les deux parties conviennent de renvoyer à nouveau à leurs postes respectifs. Néanmoins, des graines sont semées. Il a été entendu que Washington et Moscou se concerteraient bilatéralement en particulier pour prévenir les cyberattaques, pour reprendre les négociations d’arms control et aussi pour étudier la possibilité d’échanger certains au moins des citoyens de chacun de deux pays détenus dans les prisons de l’autre.

On en est là, et c’est sans doute en effet le mieux qu’on pouvait espérer. En réalité, cet état de tension internationale convient assez bien à Vladimir Poutine. Il lui permet d’entretenir l’opinion russe dans l’idée d’un environnement hostile face auquel il faut resserrer les rangs autour du chef. Ainsi, la tension extérieure aide à justifier le contrôle de l’opposition et à assurer la stabilité du pouvoir. Il y a bien l’inconvénient des sanctions internationales mais c’est une difficulté gérable grâce à l’endurance proverbiale du peuple russe, d’autant plus qu’il offre une justification toute trouvée à la médiocrité des performances économiques du pays. Surtout, les postures de politique étrangère qui ont motivé les sanctions sont aussi celles qui mettent en valeur la Russie, qui la font apparaître comme le fer de lance de la contestation de l’ordre occidental, donc l’interlocuteur incontournable des Etats-Unis : du miel pour l’égo national et indirectement pour la popularité du président russe.

Joe Biden ne s’y est d’ailleurs pas trompé. On rapporte qu’au début de la réunion, il a désigné les deux pays en présence comme « deux grandes puissances ». C’était corriger l’appréciation cruelle portée en 2014 par Barack Obama qui avait qualifié la Russie de « puissance régionale », au grand dam de Vladimir Poutine, piqué d’une pareille humiliation. A Genève, la honte a été lavée. On reste certes très loin d’un relâchement des liens entre la Russie et la Chine mais cette satisfaction d’amour-propre, qui n’a pas dû coûter cher à Joe Biden, fait partie des petits gestes qui aident à dégeler une relation et à repartir sur de meilleures bases.

 

Philippe COSTE, Ancien Ambassadeur

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