RETOUR SUR LE SOMMET DU G20 À NEW DELHI
8 au 9 septembre 2023
Dans les jours qui précédaient le sommet, les observateurs s’interrogeaient. Après l’absence, désormais habituelle, de Vladimir Poutine, comment interpréter celle de Xi Jinping, annoncée sans explication ? N’était-ce pas, pour celui qui venait de se poser en inspirateur des BRICS, minimiser l’importance du G20 pour mieux faire valoir la force montante de ce nouveau cénacle ? Toujours est-il que, lorsque la réunion de New Delhi s’est ouverte, sous des auspices à vrai dire peu encourageants vu les travaux préparatoires, les participants et notamment les participants européens n’avaient le choix qu’entre deux inconvénients : se contenter d’une déclaration finale décevante ou y renoncer, mais alors donner plus de consistance aux doutes qui commençaient à s’exprimer sur la pertinence du G20 lui-même. Sans surprise, ils ont choisi le moindre mal, une déclaration affadie qui sauvait la crédibilité du Groupe.
Sur la trentaine de pages qu’elle contient, consacrées pour l’essentiel au développement, à l’environnement et à la technologie, les débats dans les semaines qui avaient précédé le sommet s’étaient concentrés sur deux points, l’Ukraine et le dérèglement climatique.
Sur l’Ukraine, à la demande de la Chine, la formulation retenue revient sur celle adoptée à la précédente réunion de Bali. Celle-ci avait condamné l’agression de l’Ukraine par la Russie. Cette fois-ci, les Vingt ne se sont accordés que sur une formule générale où « la guerre en Ukraine » remplace « l’agression russe ». Il est vrai que les Européens pourront toujours capitaliser sur l’engagement que tous les participants ont pris de respecter les buts et principes de la Charte des Nations Unies, notamment que tous les Etats doivent « s’abstenir de la menace ou de l’usage de la force pour chercher une acquisition territoriale à l’encontre de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance politique de tout Etat ». Même la Russie a dû donner son accord à un tel texte. Mais la renonciation à la formulation de Bali montre bien qu’en un an, l’insatisfaction du Sud global s’est accrue à l’égard d’un conflit qui perturbe les approvisionnements mondiaux en énergie et en produits alimentaires. En fait, sur ce point, les Européens ont été pris sous les feux croisés des Etats-Unis qui voulaient plaire à Narendra Modi et de la Chine qui entendait aider la Russie. Certains pourront aussi y voir le signe que l’Amérique se sent moins impliquée que l’Europe dans l’affaire ukrainienne…
L’autre débat portait sur le climat. Les Vingt, qui représentent 80 % des émissions de gaz à effet de serre du monde, se sont certes mis d’accord sur l’objectif de tripler la capacité d’énergie renouvelable d’ici à 2030, repris de la précédente réunion du G7. Ils ont également entendu montrer « une ambition similaire en ce qui concerne d’autres technologies à émissions nulles et faibles, y compris les technologies de réduction et d’élimination (en clair, les dispositifs de capture du carbone), conformément aux circonstances nationales, d’ici à 2030 ». Pour autant, la déclaration finale n’inclut aucune référence à l’élimination progressive du pétrole et du gaz. Quant au charbon, elle se borne à parler de « réduction progressive en fonction des circonstances nationales ». Autrement dit, il reviendra aux Européens de reprendre le travail de Sisyphe à la COP 28 de Dubaï…
Pour le reste, le G20 a suivi la proposition de l’Inde d’accueillir désormais en son sein l’Union Africaine comme membre à part entière du Groupe. C’est une façon d’inclure la représentation des pays qui sont « en première ligne de la crise climatique » et de leur donner plus de poids dans les débats à venir.
Il a aussi appelé à élargir la marge de financement concessionnel des banques multilatérales de développement pour renforcer leur capacité à soutenir les efforts des pays à bas revenus pour relever les défis mondiaux, notamment climatiques. Le ralliement des Occidentaux à cette proposition indienne traduit leur souci de gagner les faveurs de pays en développement au moment où le conflit en Ukraine les a éloignés d’eux.
A noter encore le protocole d’accord adopté en marge du sommet par l’Inde, l’Arabie Saoudite, les Emirats et les participants occidentaux visant à créer un corridor destiné à faciliter le commerce, les télécommunications et les échanges d’énergies propres entre l’Inde et l’Europe à travers le Moyen-Orient. Pour les Etats-Unis en particulier, l’objectif est également de concurrencer l’initiative chinoise dite « la Ceinture et la Route » et de se montrer davantage présents dans une région qui reste hautement stratégique.
Au total, l’Inde peut s’enorgueillir d’avoir pu préserver la cohésion du G20. Elle y a été aidée par le soutien américain et l’esprit de compromis des Européens. Ceux-ci se consoleront en se disant que la déclaration finale n’a rien cédé sur les principes qui devront, le moment venu, servir de base au règlement du conflit ukrainien.
Philippe COSTE
Ancien Ambassadeur
Pour aller plus loin :
Billet d’actualité – Sommets d’été (OTAN-Ukraine)